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adhérents au ban de l’Empire. Mais personne ne pouvait se faire illusion sur la portée de cette mesure. L’Empire manquait de tous moyens d’en imposer l’observation et, en réalité, elle ne fut appliquée nulle part. Elle n’entrava pas plus la diffusion des idées qu’elle condamnait, qu’elle ne mit en péril la sécurité de ceux qui continuèrent à les répandre.

Charles dut se résigner à cet échec. En guerre avec François Ier, il lui était impossible de déchaîner en Allemagne une lutte religieuse qui eût doublé les chances de son adversaire. Mais ce qu’il ne pouvait faire dans l’Empire, il le pouvait dans les Pays-Bas, et il se hâta d’y organiser la répression de l’hérésie avec une rigueur impitoyable. Dès 1520, il y avait promulgué contre elle un premier « placard » et l’année suivante, il y ordonnait la stricte observation de l’édit de Worms. Ce n’était là que le prélude de ce qu’il méditait. Il eût voulu imposer à ses provinces bourguignonnes l’inquisition d’Espagne et s’il y renonça devant l’opposition unanime de ses conseillers, du moins y organisa-t-il un système répressif aussi exactement calqué sur le Saint-Office espagnol qu’il fut possible de le faire sans soulever l’opinion publique. En 1522, il chargeait un membre du Conseil du Brabant de la poursuite des hérétiques. Les protestations du pape contre cette inquisition laïque ne dépendant que de l’État la firent abandonner l’année suivante. En 1524, des instituteurs apostoliques mais désignés par le gouvernement fonctionnèrent à sa place. A cela s’ajoutent jusqu’à la fin du règne, une série de « placards » de plus en plus violents et impitoyables allant jusqu’à forcer les tribunaux laïques à poursuivre et à frapper de mort ceux qui n’étant pas théologiens auront discuté de la foi ou qui, connaissant des hérétiques, ne les auront pas dénoncés.

Il en fut de cette persécution religieuse comme de toutes celles qui l’ont précédée. Elle haussa jusqu’à l’héroïsme les âmes les plus nobles et les plus sincères. Il était réservé aux Pays-Bas de fournir à la Réforme ses premiers martyrs. Le Ier juillet 1523, deux Augustins d’Anvers, Henri Voes et Jean van Essen étaient livrés aux flammes sur le grand marché de Bruxelles. Luther les chanta dans un de ses plus beaux cantiques et, dès l’année suivante, Érasme constate « que leur mort a fait beaucoup de luthériens ».

On peut se demander ce qu’il serait advenu du luthéranisme en Allemagne s’il n’eût été possible, de l’y professer qu’au péril de sa vie. A tout le moins peut-on assurer que l’expansion en eût été