Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à se laisser gouverner par eux ; nulle part n’y existaient de ces privilèges qui, comme dans les Pays-Bas ou en Espagne, limitaient leurs prérogatives. On les laissa donc sans protester se substituer aux évêques, nommer des super-intendants du clergé, supprimer les fondations ecclésiastiques, fermer les monastères, séculariser leurs biens, organiser des écoles, bref, chacun chez soi substituer à l’Église universelle soumise au pape, une Église territoriale (Landeskirche) soumise au pouvoir séculier.

Et pourtant, l’édit de Worms n’était pas abrogé : Luther et ses adhérents restaient au ban de l’Empire et, dans les Pays-Bas, Charles-Quint promulguait contre eux des « placards » de plus en plus sanguinaires. Mais la guerre contre François Ier le retenait loin de l’Allemagne et l’obligeait à patienter. Son frère Ferdinand, auquel il avait cédé les domaines héréditaires de la maison des Habsbourg, et qui le représentait en son absence, était lui-même trop occupé par les attaques des Turcs dans la vallée du Danube et par le soin de se faire reconnaître par les Hongrois comme successeur de leur roi Louis qui venait de périr à la bataille de Mohacz (1526), pour songer à entraver les progrès de la Réforme. Ce furent donc les Français et les Turcs qui permirent à cette idée de gagner le temps indispensable pour s’assurer ses positions. En 1526, la Diète de Spire arrêtait qu’en attendant l’arrivée de l’empereur, chacun pourrait agir librement dans les matières condamnées par l’édit de Worms. Lorsque trois ans plus tard, Charles voulut la faire revenir sur cette décision, cinq princes et quelques villes formulèrent aussitôt la protestation d’où est resté depuis lors aux partisans de la foi nouvelle, le nom de protestants.

C’est seulement en 1530, à la Diète convoquée à Augsbourg par Charles après son couronnement impérial, que se produisit la rupture inévitable. Le débat théologique, au cours duquel Mélanchton donna lecture de la « confession d’Augsbourg », ne pouvait aboutir qu’à renforcer chaque parti dans sa croyance. Il était trop tard pour espérer une conciliation qui n’eût peut-être pas été impossible dix ans plus tôt. Les princes protestants quittèrent l’assemblée, dont la majorité encouragée par l’empereur, ratifia solennellement l’édit de Worms, condamna toutes les nouveautés religieuses et ordonna un retour général à l’Église.

Les princes protestants se préparèrent dès lors à une lutte qu’ils jugeaient inévitable. En 1531, ils se confédéraient à Smalkalde, avec un certain nombre de villes. Ils n’ignoraient pas que l’empe-