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Le luthéranisme leur fut imposé car la force. L’évêque islandais Jan Areson mourut sur l’échafaud.

Le luthéranisme ne l’emporta donc que là où les princes ou les rois se solidarisèrent avec lui. La conviction religieuse a été pour peu de chose dans son expansion. Ses adeptes vraiment sincères et désintéressés apparaissent au début très peu nombreux. Promulgué d’autorité et accepté par obéissance, il a procédé, si l’on peut ainsi dire, par annexion. La conversion des âmes ne s’est faite qu’à la suite et à la longue ainsi que se fait l’assimilation d’un peuple conquis à la nation conquérante.

L’harmonie entre le gouvernement monarchique et le luthéranisme était si complète que la Réforme, même chez les populations de langue allemande, s’est détournée de celui-ci lorsqu’il n’était pas appuyé par celui-là. Il est très curieux de constater que les cantons démocratiques de la Suisse se sont donnés, sous l’influence de Zwingle, une constitution religieuse indépendante, à laquelle ont adhéré au début nombre de villes libres de l’Allemagne du sud.

Il est trop évident que, dans les pays dont les princes demeurèrent fidèles à Rome, l’Église n’eut rien à craindre des luthériens. Respectueux du pouvoir, ils ne songèrent pas un instant à lui résister, pas même à lui désobéir. Ils observèrent les « placards » promulgués contre eux, s’abstenant de prêcher leur foi en public ; la seule propagande qu’ils se permirent fut celle du martyr. On s’aperçut bientôt qu’ils n’étaient pas très dangereux et, même dans les Pays-Bas, l’inquisition de Charles-Quint, si féroce à l’égard des anabaptistes, ne les poursuivit qu’avec une certaine mollesse.

Il paraît certain, pourtant, que l’ébranlement religieux de l’Allemagne n’a pas été sans influence sur la rupture de l’Angleterre avec la papauté. Mais ce ne fut là qu’une influence indirecte et si l’on peut ainsi dire un encouragement à des mesures qui, en elles-mêmes, sont tout à fait étrangères au luthéranisme. Henri VIII, qui se piquait de théologie, considérait Luther comme un simple hérétique dans son Traité sur les Sept Sacrements qui lui a valu, de la part de Léon X, le titre de « Défenseur de la foi ». Il a persécuté Tyndale et interdit sa traduction de la Bible. Les motifs de son opposition à Rome et de la constitution de l’Église anglicane se trouvent en dehors du domaine de la foi. Ni lui, ni surtout le peuple n’éprouvaient le moindre besoin de rejeter les croyances traditionnelles du catholicisme.

Attribuer simplement la conduite de Henri VIII à sa passion