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rallier Édouard IV d’Angleterre qui vient de débarquer à Calais pour marcher contre Louis XI et qui s’empresse de conclure la paix avec le roi en se voyant abandonné par son allié. L’occupation de la Lorraine entraîna le duc l’année suivante dans une guerre contre les Suisses. Vaincu coup sur coup à Granson, puis à Morat (1476), c’en est fait de son prestige militaire qui en imposait encore à l’Europe. Louis XI se prépare à prendre l’offensive. René de Lorraine rentre dans Nancy. La catastrophe de Charles était certaine. Elle fut plus rapide, plus tragique et plus profonde que ne l’espéraient ses ennemis. Attaqué par les Suisses pendant qu’il assiégeait Nancy, avec une armée réduite par la trahison de ses mercenaires italiens à quelques milliers d’hommes, il se jeta en désespéré dans la mêlée. Deux jours plus tard (7 janvier 1477), on retrouva sur la glace d’un étang son cadavre à demi dévoré par les loups et percé de trois blessures mortelles.

S’il n’avait tenu qu’à Louis XI, l’État bourguignon eût disparu en même temps que lui. Pendant qu’il s’emparait des villes de la Somme et envahissait l’Artois et la Bourgogne, le roi combinait un plan de partage des Pays-Bas qui, lui en donnant une partie et attribuant le reste à des seigneurs français ou à des princes allemands, les eût fait retomber dans le morcellement et l’impuissance. La réaction particulariste provoquée par la mort du duc dans toutes les provinces irritées par son despotisme secondait admirablement ses projets. Il était trop fin diplomate pour ne pas mener où il voulait les naïfs ambassadeurs bourgeois, députés élus par les États généraux précipitamment réunis à Gand et qu’aveuglait le désir de la paix et du rétablissement des franchises et des privilèges urbains. Mais le hasard généalogique, facteur mystérieux dont dépendirent surtout les destinées des États aux temps de la politique monarchique, allait le placer en face d’un péril bien plus grand pour la France que ne l’avait été le péril bourguignon qu’il se flattait d’écarter. Charles le Téméraire, en effet, ne laissait qu’une fille, Marie de Bourgogne dont le mariage déciderait du sort de ses domaines. Les Habsbourg n’avaient pas manqué naturellement de jeter les yeux de bonne heure sur une aussi riche héritière. Sept fois fiancée au gré des entreprises et des alliances de son père, elle avait été promise en dernier lieu à Maximilien d’Autriche. Cette promesse n’eût sans doute pas été plus valable que les autres si le duc avait vécu. Elle devenait pour Marie de Bourgogne le seul espoir de salut dans sa détresse. Pour échapper aux tentatives de