Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/231

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causalité entre deux phénomènes consiste à montrer que l’apparition de l’un de ces phénomènes permet toujours de prédire à l’avance l’apparition de l’autre. Ce genre de preuve était bien connu de l’agriculteur qui voulait démontrer à des paysans incrédules l’existence d’un lien causal entre les engrais chimiques et la fertilité du sol. Les paysans ne voulaient pas croire que la poussée luxuriante du trèfle dans le champ de l’agriculteur était causée par les engrais chimiques et ils cherchaient une explication à ce fait. Le propriétaire du champ eut alors l’idée d’y tracer des bandes étroites en forme de lettres sur lesquelles il répandit de l’engrais, alors que le reste du terrain n’en recevait pas. Qu’arriva-t-il au printemps lorsque, la semence étant levée, chacun put lire, écrite en lettres de trèfle très nettes, la phrase suivante : « ces lettres ont été engraissées avec du gypse ».

Je prendrai donc comme point de départ de toutes les considérations qui vont suivre, cette petite proposition très simple et très générale : « Un événement est conditionné causalement quand il peut être prédit avec certitude. » Remarquons, cependant, que nous entendons seulement dire par là que la possibilité d’une prédiction exacte de l’avenir est un critérium certain de l’existence d’un lien causal ; mais nullement qu’elle s’identifie, en quelque façon, avec ce lien lui-même. Reportons-nous, en effet, à l’exemple bien connu du jour et de la nuit ; quand il fait jour, on peut prédire avec certitude qu’il fera nuit ; on peut donc en conclure que la nuit est conditionnée causalement ; mais non pas que le jour est la cause de la nuit. D’autre part, il arrive fréquemment que nous admettions l’existence d’un lien causal, même quand il ne saurait être question de la possibilité d’une prédiction exacte. Tel est, entre autres, le cas de la prédiction du temps : la valeur douteuse des prédictions météorologiques est passée en proverbe ; et, cependant, aucun météorologiste ne se résoudra à renoncer à considérer les phénomènes atmosphériques comme déterminés causalement. Nous n’attribuerons donc, à notre point de départ, qu’un caractère provisoire. Pour serrer de plus près la notion de causalité un nouvel approfondissement très notable va donc être nécessaire.