Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/92

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fait trivial, étant assis tranquille dans sa chambre, entend à l’improviste un bruit insolite, le voilà qui tourne la tête pour chercher la cause de ce bruit. Lorsque, contre son attente, ce regard ne le lui fait pas découvrir, il suppose qu’elle se trouve peut-être dans une autre chambre de la maison, peut-être aussi dehors, dans la rue, peut-être aussi plus loin encore et si rien de tout cela ne peut aller, il se voit amené, en fin de compte, à penser qu’il s’agit d’une illusion subjective des sens, d’une hallucination.

Que se passera-t-il cependant (car il faut une bonne fois se le demander) s’il est impossible de prendre en considération aucune de ces possibilités ? Est-il donc désormais tout à fait décidé, sans que l’on puisse aucunement penser autre chose, que tout événement dans tous les cas doit avoir une cause naturelle ? Se heurterait-on à une contradiction logique si l’on voulait écarter complètement une fois de sa pensée l’enchaînement des causes ? Un instant de réflexion montre qu’il faut donner résolument à cette question une réponse négative. Nous pouvons très bien, en effet, penser qu’un bruit entendu n’a pas de cause naturelle. En pareil cas, nous parlons de prodige, ou encore de sorcellerie. C’est assez déjà d’alléguer l’existence d’une littérature mondiale, riche et considérable, sur ce sujet pour nous convaincre que le prodige est parfaitement concevable. Oui, nous pouvons sans difficulté concevoir que tout aille pour ainsi dire sens dessus dessous dans le monde, nous pouvons concevoir que demain, pour changer, le soleil se lève à l’Ouest ; nous pouvons concevoir et nous représenter, sans excepter aucun détail, que dans un instant la porte de notre chambre s’ouvre et laisse entrer, en chair et en os, quelque personnage historique depuis longtemps disparu.

Pour insensée et impossible que puisse nous apparaître, du point de vue du réel, l’arrivée d’un tel événement qui se joue comme celui-là de toute causalité, cette impossibilité doit pourtant être distinguée d’une impossibilité logique ou d’un contre-bon sens comme, par exemple, qu’une partie d’une chose quelconque puisse jamais être plus grande que le tout. Cela, même avec la meilleure volonté, il n’est pas possible de le penser, car cela contient en soi-même une contradiction. Aussi est-ce une nécessité,