Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/117

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fin, et il faut que les poètes soient obligés de donner aussi le même sens à leurs fictions. Il sera aussi défendu parmi nous de dire que Junon a été chargée de chaînes par son fils[1], et Vulcain précipité du ciel par son père pour s’être mis au devant des coups portés à sa mère[2], et de raconter tous ces combats des dieux imaginés par Homère, soit qu’il y ait ou non allégorie ; car un enfant n’est pas en état de discerner ce qui est allégorique de ce qui ne l’est pas ; et tout ce qu’on livre à l’esprit crédule de cet âge, s’y grave en traits ineffaçables. C’est pourquoi il importe extrêmement que les premières choses qu’il entendra soient des fables les plus propres à le porter à la vertu.

Cela est sensé ; mais si on nous demandait quelles sont les fables qu’il est à propos de faire, que répondrions-nous ?

Mon cher Adimante, ni toi ni moi ne sommes poètes [379a] en ce moment, mais fondateurs d’un État. Il nous convient de savoir d’après quel modèle les poètes doivent composer leurs fables et de

  1. Ceci n’est pas dans Homère, où c’est Jupiter lui-même qui enchaîne Junon, Iliade, XV, 18 ; mais Suidas, au mot Ἧρα, nous apprend que le mythe rapporté ici était dans Pindare, et qu’on le trouvait aussi dans une comédie d’Épicharme.
  2. Iliade, I, 588.