Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/202

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leurs aux plus belles parties de l’homme, il semble que nous répondrions très convenablement à ce censeur en lui disant : Mon ami, ne crois pas que nous devions peindre les yeux si beaux que ce ne soient plus des yeux, et faire de même pour les autres parties du corps ; examine plutôt si en donnant à chaque partie la couleur qui lui convient, nous produisons un bel ensemble. C’est la même chose ici : n’allons pas attacher à la condition des gardiens de l’État un bonheur qui en ferait autre chose que des gardiens de l’État. Il ne tiendrait qu’à nous de donner aux laboureurs des robes traînantes, de les couvrir d’or, et de ne les faire travailler à la terre que pour leur plaisir ; de coucher mollement le potier auprès de son foyer, occupé à boire et à faire bonne chère, avec sa roue oisive tant qu’il ne lui plairait pas de travailler. Nous pourrions rendre toutes les autres classes de citoyens heureuses de la même manière, afin que le bonheur fût général. Mais fais-nous grace de ta critique : car si nous t’écoutions, le laboureur cesserait d’être laboureur, le potier d’être potier, et chacun sortant de sa condition, l’État n’existerait plus. Encore les autres métiers sont-ils de peu de conséquence : que le cordonnier devienne mauvais, qu’il se gâte ou qu’il se donne pour cordonnier sans l’être, l’État n’éprou-