Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/573

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gouvernés, et les gouvernés qui prennent l’air de gouvernans. N’est-il pas inévitable que dans un pareil État l’esprit de liberté s’étende à tout ?

Comment cela ne serait-il pas ?

Qu’il pénètre, mon cher ami, dans l’intérieur des familles, et qu’à la fin la contagion de l’anarchie gagne jusqu’aux animaux ?

Qu’entends-tu par là ?

Je veux dire que le père s’accoutume à traiter son enfant comme son égal, à le craindre même ; que celui-ci s’égale à son père et n’a ni respect ni crainte pour les auteurs de ses jours, parce qu’autrement sa liberté en souffrirait ; que les citoyens et les simples habitans et les étrangers même aspirent aux mêmes droits.

C’est bien là ce qui arrive.

Oui, et il arrive aussi d’autres misères telles que celles-ci. Sous un pareil gouvernement, le maître craint et ménage ses disciples ; ceux-ci se moquent de leurs maîtres et de leurs surveillans. En général les jeunes gens veulent aller de pair avec les vieillards, et lutter avec eux en propos et en actions. Les vieillards, de leur côté, descendent aux manières des jeunes gens, en affectent le ton léger et l’esprit badin, et imitent la jeunesse de peur d’avoir l’air fâcheux et despotique.

Tout-à-fait.