Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/634

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à la partie sauvage celle qui est apprivoisée ? N’en conviendra-t-il pas ?

Oui, s’il veut m’en croire.

Dans ce point de vue, où est l’avantage pour quelqu’un de prendre de l’or injustement, s’il ne peut le faire sans assujettir la plus excellente partie de lui-même à la plus méprisable ? Quoi ! si pour de l’or il lui fallait sacrifier la liberté de son fils ou de sa fille, et les livrer à des maîtres durs et barbares, il croirait y perdre, dût-il acquérir par-là les plus grandes richesses ! Et quand ce qu’il y a en lui de plus divin est asservi sans pitié à ce qu’il y a de plus pervers et de plus ennemi des dieux, n’est-ce pas là pour lui le comble du malheur, et l’or qu’il reçoit à ce prix ne lui coûte-t-il pas beaucoup plus cher que ne coûta à Ériphile[1] le collier fatal pour lequel elle vendit la vie de son époux ?

Oui, certes beaucoup plus ; je réponds pour ton interlocuteur.

Si toujours on a condamné les mœurs licencieuses, n’est-ce pas, je te prie, parce qu’elles

  1. Ériphile, épouse du divin Amphiaraüs, séduite par le présent d’un collier d’or, fit connaître l’endroit où s’était caché son mari pour n’être point obligé d’aller à la guerre de Thèbes, où il avait prédit qu’il périrait, et où il périt en effet. Odyssée, XI, 325.