Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/670

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la force et la douceur de ses charmes ; mais il n’est pas permis de trahir ce qu’on regarde comme la vérité. Autrement, mon cher ami, n’est-il pas vrai que l’enchanteresse te séduit aussi, surtout lorsqu’elle se présente à toi dans Homère ?

Oui, assurément.

Il est donc juste de l’admettre à défendre sa cause devant nous, soit dans une ode, soit dans un poème d’un autre rhythme.

Sans doute.

Nous ne demandons pas mieux aussi que d’entendre ses défenseurs officieux, qui, sans faire eux-mêmes des vers, sont amateurs de la poésie, nous montrer en prose qu’elle n’est pas seulement agréable, mais qu’elle est encore utile aux États et dans la pratique générale de la vie ; et nous les écouterons volontiers, car ce sera un vrai profit pour nous s’ils nous font voir qu’elle est aussi utile qu’agréable.

Oui, vraiment, nous y gagnerions.

Mais, s’ils ne peuvent venir à bout de nous le prouver, n’imiterons-nous pas, mon cher ami, la conduite des amans, qui se font violence pour s’arracher à leur passion, après qu’ils en ont reconnu le danger ? Grâce à l’amour que nous ont inspiré dès l’enfance pour cette poésie les belles institutions politiques où nous avons été élevés,