Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/123

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qui ont de la vigueur et de la légèreté. Je m’en vais donc subir la mort à laquelle vous m’avez condamné, et eux l’iniquité et l’infamie à laquelle la vérité les condamne. Pour moi, je m’en tiens à ma peine, et eux à la leur. En effet, peut-être est-ce ainsi que les choses devaient se passer, et, selon moi, tout est pour le mieux. [39c]

Après cela, ô vous qui m’avez condamné voici ce que j’ose vous prédire ; car je suis précisément dans les circonstances où les hommes lisent dans l’avenir, au moment de quitter la vie. Je vous dis donc que si vous me faites périr, vous en serez punis aussitôt après ma mort par une peine bien plus cruelle que celle à laquelle vous me condamnez ; en effet, vous ne me faites mourir que pour vous délivrer de l’importun fardeau de rendre compte de votre vie ; mais il vous arrivera tout le contraire, je vous le prédis. [39d] Il va s’élever contre vous un bien plus grand nombre de censeurs que je retenais sans que vous vous en aperçussiez ; censeurs d’autant plus difficiles, qu’ils sont plus jeunes, et vous n’en serez que plus irrités ; car si vous pensez qu’en tuant les gens, vous empêcherez qu’on vous reproche de mal vivre, vous vous trompez. Cette manière de se délivrer de ses censeurs n’est ni honnête ni possible : celle qui est en même temps et la plus honnête et la plus facile, c’est, au lieu de