Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/126

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heureuses et plus douces que celle-là ; je suis persuadé que non-seulement un simple [40e] particulier, mais que le grand roi lui-même en trouverait un bien petit nombre, et qu’il serait aisé de les compter. Si la mort est quelque chose de semblable ; je dis qu’elle n’est pas un mal ; car la durée tout entière ne paraît plus ainsi qu’une seule nuit. Mais si la mort est un passage de ce séjour dans un autre, et si ce qu’on dit est véritable, que là est le rendez-vous de tous ceux qui ont vécu, quel plus grand bien peut-on imaginer, [41a] mes juges ? Car enfin, si en arrivant aux enfers, échappés à ceux qui se prétendent ici-bas des juges, l’on y trouve les vrais juges, ceux qui passent pour y rendre la justice, Minos, Rhadamanthe, Éaque, Triptolème et tous ces autres demi-dieux qui ont été justes pendant leur vie, le voyage serait-il donc si malheureux ? Combien ne donnerait-on pas pour s’entretenir avec Orphée, Musée, Hésiode, Homère ? Quant à moi, si cela [41b] est véritable, je veux mourir plusieurs fois. Oh ! pour moi surtout l’admirable passe-temps, de me trouver là avec Palamède[1], Ajax fils de

  1. Il fut, dit-on, lapidé par les Grecs, parce qu’on trouva dans sa tente des indices d’une correspondance avec les Troïens. Mais c’était une invention d’Ulysse, ennemi de Palamède.