Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de leurs ennemis. Il n’est pas possible que tu n’aies entendu parler de ce qui vient d’arriver hier, ce matin même[1]. Archélaüs, roi de Macédoine, avait un favori qu’il aimait avec une passion démesurée ; ce favori, encore plus amoureux du trône d’Archélaüs, qù’Archélaüs ne l’était de lui, vient de le tuer pour se mettre à sa place, se flattant qu’il ne serait pas plus tôt roi qu’il serait l’homme du monde [141e] le plus heureux ; mais à peine a-t-il joui trois ou quatre jours de la tyrannie, que le voilà égorgé, a son tour, par d’autres ambitieux. Et parmi nos Athéniens (et quant à ceci nous ne l’avons pas ouï dire, nous l’avons vu de nos propres yeux), [142a] combien y en a-t-il qui, après avoir souhaité avec ardeur d’être généraux d’armée et avoir obtenu ce qu’ils désiraient, errent encore aujourd’hui dans l’exil, ou ont péri ; ou bien, et c’est encore là le sort le plus beau, ont passé leur vie dans des dangers innombrables et des frayeurs continuelles, non-seulement pendant leur généralat, mais encore après leur retour dans leur patrie, où ils ont eu à soutenir contre les délateurs une guerre plus cruelle

  1. C’est-à-dire récemment, formule tirée du vers 303 du liv. II de l’Iliade. Voyez Hesychius χθιζὰ καὶ πρωϊζὰ, et le passage célèbre du Gorgias.