Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, XI, XII et XIII.djvu/1089

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
DÉMODOCUS.


tous vous sauriez, n’aboutiriez-vous pas au même résultat ? De sorte qu’après avoir une fois entendu celui-là, vous n’auriez plus qu’à vous retirer. Mais vous en agissez tout autrement, et vous voulez entendre un grand nombre d’avis. Cependant vous ne pensez pas que ceux qui vont vous conseiller sont parfaitement éclairés sur le sujet en question ; car si vous les supposiez éclairés, il vous suffirait d’en écouter un seul. Or, n’est-il pas absurde de croire faire une chose bien utile en se rassemblant pour écouter des gens parler sur ce qu’ils ignorent ? Voilà pourquoi votre réunion me met dans un grand embarras.

Quant à ceux qui s’empressent de vous conseiller, je crois leur dessein déraisonnable. S’ils n’ont pas le même avis sur le même sujet, il est impossible qu’ils en donnent tous un bon, ne donnant pas celui que donnera le bon conseiller. Comment donc ne serait-il pas ridicule l’empressement de gens qui veulent délibérer sur des choses qu’ils ne connaissent pas ? Leur inexpérience ne leur permettra pas de vous donner un bon conseil. Si, d’un autre côté, tous ceux qui conseillent sont du même avis, pourquoi faut-il les écouter tous ? Un seul d’entre eux qui donne cet avis suffit. Par conséquent, un dessein qui ne tend qu’à une chose inutile n’est-il pas absurde ? Un pareil empressement, chez des ignorants, serait le comble du délire, et il ne pourrait pas tomber dans l’esprit des gens sensés, parce que ceux-la sauraient qu’un seul d’entre eux en donnant un bon avis ferait tout autant de bien. De telle sorte qu’il m’est impossible de ne pas trouver complètement ridicule l’empressement de ceux qui veulent vous conseiller.

Quant aux avantages que vous espérez retirer des suffrages que vous vous disposez à donner, je suis encore dans un plus grand embarras. Choisirez-vous les