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DÉMODOCUS.


venus. — Mais si tu crois qu’il ne faut pas se fier aux premiers venus, doit-on se fier tout de suite à des inconnus ? Ou faut-il auparavant examiner s’ils disent la vérité ? — Il le faut, répondit l’autre. — Quant aux compatriotes, aux hommes que nous voyons habituellement, il est inutile d’examiner s’ils disent la vérité. — C’est mon opinion. —. Cependant quelques-uns d’entre eux sont peut-être de mauvaise foi ? — Peut-être bien. — Pourquoi donc alors parait-il plus raisonnable de se fier a des compatriotes et à des voisins qu’aux premiers venus ? — Je ne saurais le dire. — Et s’il ne faut pas plus se fier à des compatriotes qu’aux premiers venus, ne faut-il pas les regarder comme moins dignes de foi ? — On ne peut dire le contraire. — Si donc des hommes sont compatriotes des uns et inconnus aux autres, comment la confiance qu’ils inspirent ne serait-elle pas nécessairement inégale, puisque l'on ne doit pas regarder comme également dignes de foi les compatriotes et les inconnus, à ce que tu dis ? — En effet, cela ne me parait pas soutenable. — Leurs paroles paraîtront aux uns dignes de foi et aux autres incroyables ; et ni les uns ni les autres n’auront tort malgré cela. — Voilà qui est absurde. — Ensuite, continua l’autre, si compatriotes et inconnus tiennent les mêmes discours, comment ces discours ne seraient-ils pas également ou dignes de foi ou incroyables ? — Il le faut bien. — Quand ils disent la même chose, cette chose mérite donc confiance. — Il semble que oui, repartit l’interlocuteur.

Quand ils eurent ainsi parlé, j’étais fort incertain à qui il fallait se fier, à qui ne pas se fier : si c’était plutôt aux hommes dignes de foi et instruits des choses dont ils parlent qu’aux compatriotes et aux gens que l'on connaît. Quel est ton avis là-dessus ?