Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, XI, XII et XIII.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même de la connaissance vient à changer, elle se change en une autre forme qui n’est pas celle de la connaissance, et il n’y a plus connaissance ; et, si elle change toujours, il n’y aura jamais de connaissance. Dès lors plus rien qui connaisse, ni rien qui soit connu. Mais si ce qui connaît subsiste, si ce qui est connu subsiste aussi, si le beau, si le bon subsistent, et ainsi des autres êtres de. cette nature, tout cela ne ressemble guère à cette mobilité et à ce flux universel dont nous parlions tout à l’heure. Est-ce dans cette dernière opinion qu’est la vérité, ou dans celle d’Héraclite et de. beaucoup d’autres avec lui[1], c’est ce qu’il n’est point facile de décider, Il n’est pas d’un homme sage de se soumettre aveuglément, soi et son âme à l’empire des mots, de leur accorder une foi entière, ainsi qu’à leurs auteurs, d’affirmer que ceux-ci possèdent seuls la science parfaite, et de porter sur soi-même et sur les choses ce merveilleux jugement qu’il n’y a rien là de stable, mais que tout change comme l’argile, que les choses sont comme des malades affligés de fluxions ; et que tout est dans un écoulement perpétuel. Peut-être, cher Cratyle, en est-il ainsi ; peut-être n’en est-il rien. Il faut donc regarder la chose en face et d’un œil ferme, et ne rien admettre, trop facilement. N’es-tu pas

  1. Voyez le Théétète.