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LETTRE II.

faire comprendre en prenant les choses de plus haut. C’est une loi de la nature que la sagesse et la souveraine puissance se réunissent : elles se cherchent l’une l’autre, se poursuivent et finissent par se rencontrer. Aussi est-ce un plaisir pour les hommes de s’en occuper : ils aiment à en parler et à en entendre parler, soit dans les conversations particulières, soit [311a] dans les ouvrage des poètes. Par exemple, si l’on parle d’Hiéron et de Pausanias le Lacédémonien, on se plaît à rappeler l’amitié qu’ils avaient pour Simonide, ce que celui-ci fit pour eux, et ce qu’il leur dit : on a l’habitude de célébrer ensemble Périandre de Corinthe et Thalès de Milet, Périclès et Anaxagoras ; on cite Crésus et Solon pour leur sagesse, et en même temps Cyrus pour sa puissance. Les poètes, imitant cet usage, mêlent dans leurs chants Créonte [311b] et Tirésias, Polynide et Minos, Agamemnon et Nestor, Ulysse et Palamède ; et, si je ne me trompe, les premiers hommes n’ont pas eu d’autre raison pour unir Jupiter et Prométhée. On remarque que les uns s’aiment et que les autres se haïssent, ou qu’ils sont tantôt amis et tantôt ennemis, en d’accord sur un point et en désaccord sur d’autres. Je t’ai dit tout cela pour te montrer que, [311c] même après notre mort, on s’occupera encore de nous, et que nous devons y songer. Ce soin de l’avenir est, ce semble, un devoir pour nous ; car la nature a voulu qu’il ne fût indifférent qu’à l’esclave, tandis que l’homme bien né fait tous ses efforts pour laisser à la postérité une réputation sans tache. Et c’est là pour moi une preuve que les morts ont quelque sentiment des choses de ce monde ; les plus belles [311d] âmes en ont le pressentiment, et il n’y a que les plus mauvaises qui le nient : or, ne faut-il pas ajouter plus de foi aux présages des hommes divins qu’à ceux des méchants ? Pour moi, j’ai la conviction que s’il était permis aux anciens per-