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LETTRE II.

donner l’exemple, je le suivrai. Si tu m’honores, [312c] je t’honorerai ; si tu ne m’honores pas, je garderai le silence. Pense encore qu’en me traitant le premier avec distinction, ou croira que tu respectes la philosophie, et tu obtiendras parmi le peuple cette réputation de philosophe que tu ambitionnes. Si, au contraire, je t’honore malgré tes mépris, j’aurai l’air d’aimer et de rechercher tes richesses ; et nous savons combien un pareil motif est odieux à tout le monde. En un mot, les honneurs que tu me rendras nous honoreront tous deux, et ceux que je te rendrais seul [312d] nous déshonoreraient l’un et l’autre. Mais en voilà assez là-dessus. 

La petite sphère n’est pas juste ; Archidème te le montrera à son retour. Quant au sujet bien plus grave et bien plus divin sur lequel tu l’as chargé de me consulter, je lui laisse le soin de te l’expliquer. Tu n’es pas content, à ce qu’il dit, de l’explication que je t’ai donnée de la nature première. Je vais la reprendre sous le voile de l’énigme, afin que s’il arrive quelque malheur à cette lettre sur terre ou sur mer, [312e] celui qui la lirait ne puisse en saisir le sens. Voici ce qui en est : tout est autour du roi de tout ; il est la fin de tout ; il est la cause de toute beauté. Ce qui est du second ordre est autour du principe second, et ce qui est du troisième ordre autour du troisième principe. L’âme humaine désire avec passion pénétrer ces mystères ; pour y parvenir, elle jette les yeux sur tout ce qui lui ressemble, et elle ne trouve rien [313a] qui la satisfasse absolument. Il n’y a, dans ce que nous voyons, aucune analogie avec ce roi et ces choses dont j’ai parlé. Mais pour ce qui vient ensuite, l’âme peut en rendre compte. Que dire, fils de Denys et de Doris, de la question que tu me fais, quelle est la cause de tous les maux ? C’est là un doute qui déchire cruellement l’âme, et qui l’empêche, tant qu’on ne l’en a pas délivrée, d’atteindre ja-