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LACHÈS

terre, l’agriculture se comporte de la même façon. Quant aux choses de la guerre, vous pouvez certes attester tous deux que la stratégie sait parfaitement pourvoir à tout et notamment à l’avenir, sans croire nécessaire de recourir à la divination, à qui elle donne des ordres au contraire, comme sachant mieux qu’elle les actions de guerre présentes et futures : c’est pourquoi la loi met le devin sous le commandement du général, non le général sous celui du devin. Est-ce là notre avis, Lachès ?

Lachès. — C’est cela même.

Socrate. — Et toi, Nicias, es-tu d’accord avec nous pour reconnaître que la science est toujours identique à elle-même relativement à des choses identiques, que celles-ci soit passées, présentes, ou futures ?

Nicias. — C’est aussi mon opinion, Socrate.

Socrate. — Or le courage est selon toi la science du redoutable et de son contraire. N’est-il pas vrai ?

Nicias. — Oui.

Socrate. — Et nous avons dit que le redoutable, c’est un mal futur, et le rassurant, un bien à venir.

Nicias. — Sans doute.

Socrate. — D’autre part, la même science s’applique aux mêmes choses, dans l’avenir comme dans tout autre temps.

Nicias. — C’est juste.

Socrate. — Donc aussi le courage n’est pas seulement la science du redoutable et de son contraire ; car il n’est pas expert seulement sur les biens et les maux de l’avenir, mais aussi sur ceux du présent, du passé, et de tous les temps, en toutes circonstances, comme les autres sciences[1].

Nicias. — C’est vraisemblable.

Socrate. — Ainsi, Nicias, tu n’as répondu que sur le tiers du courage, quand nous t’interrogions sur le courage tout entier. Or maintenant il résulte de ton propre discours que le courage n’est pas seulement la science du redoutable et de son contraire, mais plutôt celle de tous les biens et de tous

  1. L’objection de Socrate implique que Nicias, en parlant du redoutable et de son contraire, n’entend parler que du redoutable actuel. Si Nicias veut parler du redoutable en soi, sa définition doit être complétée, et l’on arrive alors à la conception socratique du