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GORGIAS

guer, dans le nombre des choses agréables, celles qui sont bonnes et celles qui sont mauvaises ? Ou bien est-ce le fait d’une compétence[1] particulière pour chaque cas ?

Calliclès. — La compétence est nécessaire.

Socrate. — Rappelons-nous donc ce que je disais à Polos et à Gorgias. Je disais, si tu t’en souviens, qu’entre les différentes industries bles unes atteignent seulement le plaisir et ne peuvent procurer que lui, mais ignorent le meilleur et le pire, tandis que d’autres connaissent le bien et le mal. Et je rangeais parmi les industries relatives au plaisir la cuisine, simple pratique et non art véritable, opposée à l’art de la médecine, que je rangeais parmi ceux qui se rapportent au bien.

Au nom du dieu de l’amitié, Calliclès, ne te crois pas le droit de jouer avec moi et de me répondre contre ta pensée la première chose qui te passera par la tête ; ne prends pas non plus mon langage pour une simple plaisanterie : car, tu le vois maintenant, quel sujet plus grave, cplus capable de faire réfléchir même le moins raisonnable, que celui dont nous disputons ? Il s’agit de savoir quel genre de vie nous devons adopter : celui auquel tu m’exhortes, faire œuvre d’homme, dis-tu, en parlant au peuple, en étudiant la rhétorique, en pratiquant la politique comme vous la pratiquez aujourd’hui ; ou bien s’il faut, comme moi, se consacrer à la philosophie, et en quoi ceci peut bien l’emporter sur cela.

Peut-être le meilleur parti à prendre est-il, comme je l’ai essayé, de les distinguer ; densuite, la distinction faite et reconnue d’un commun accord, étant admis que ces deux genres de vie sont différents, d’examiner en quoi consiste la différence et lequel des deux il faut choisir.

Mais peut-être ne saisis-tu pas bien encore ce que je veux dire ?

Calliclès. — Non, pas du tout.

Socrate. — Je vais donc tâcher d’être plus clair. Puisque nous sommes d’accord, toi et moi, qu’il existe du bon et de l’agréable, et que l’agréable est autre que le bon, qu’à chacun

  1. Le mot grec (τεχνικός) précise : un homme pour qui cela soit un art, une méthode. Du coup la question de savoir si la Rhétorique n’est pas qu’une simple routine ne visant qu’au plaisir (463 a sqq.) reparaît avec toute sa gravité. Le véritable objet de la discussion se