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GORGIAS

mal, et ainsi de suite : de la gravité du mal dépend la beauté du pouvoir qui nous permet d’y résister, comme aussi la honte de l’impuissance correspondante. Es-tu de cet avis, Calliclès ?

Calliclès. — Tout à fait.

Socrate. — Étant donné donc ces deux maux, commettre l’injustice et la subir, nous disons que le plus grand est de la commettre, et que la subir en est un moindre[1]. Or quels sont les procédés par lesquels l’homme peut s’assurer une défense efficace contre l’un et l’autre, contre le mal de commettre l’injustice et contre le mal de la subir ? dEst-ce par la force ou par la volonté ? Je m’explique : suffit-il, pour ne pas subir l’injustice, de ne pas le vouloir, ou bien faut-il se rendre fort pour l’éviter ?

Calliclès. — Il est évident qu’il faut se rendre fort.

Socrate. — Et pour ce qui est de commettre l’injustice ? Peut-on dire que la volonté de ne pas la commettre suffise pour ne pas la commettre en effet, ou bien faut-il pour cela se procurer une certaine force eet un certain art qu’on ne saurait ignorer et négliger sans être conduit à des actes injustes ? Réponds-moi sur ce point précis, Calliclès : dis-moi si c’est à tort ou avec raison, selon toi, que nous avons été contraints précédemment, Polos et moi, de convenir qu’on n’était jamais injuste volontairement et que ceux qui faisaient le mal le faisaient toujours malgré eux ?

510Calliclès. — Tiens ce point pour admis, Socrate, afin d’achever ton discours.

Socrate. — Il faut donc, semble-t-il, pour se mettre en état de ne pas commettre d’injustice, acquérir une certaine force et un certain art ?

Calliclès. — Oui.

Socrate. — Et en quoi consiste l’art qui nous met en état de ne la point subir ou de la subir le moins possible ? Vois si tu es de mon avis. Je pense, quant à moi, qu’il faut pour

  1. Socrate poursuit sa réponse (commencée dès 508 c) aux avertissements de Calliclès (485 c-486 b). Deux points sont acquis : la vraie protection à s’assurer est celle qui nous sauve des maux les plus grands ; le pire des maux est de commettre l’injustice : celui de la subir ne vient qu’en second. Ici on est un peu surpris. S’attachant d’abord à la fois à ces deux cas (subir et commettre l’injustice), Socrate éta-