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GORGIAS

métiers et de se servir de leurs produits : ils savent, en effet, quels aliments et quelles boissons sont d’un emploi favorable au bien du corps, tandis que les métiers l’ignorent. C’est pourquoi, parmi les industries qui se rapportent au corps, nous disons que les premières sont serviles, basses et illibérales, tandis que les autres, la gymnastique et la médecine, nous les regardons à bon droit comme les maîtresses de celles-là.

Que les choses se passent de même en ce qui concerne l’âme, tantôt tu me parais le comprendre quand je te le dis, et tu le reconnais en homme qui a compris ma pensée ; puis, le moment d’après, tu viens me dire que la cité est pleine d’honnêtes citoyens, et quand je te demande qui sont ceux-là, les gens que tu désignes en matière politique me font songer que c’est tout à fait comme si, interrogé par moi, en matière de gymnastique, sur ceux qui ont été ou qui sont habiles à former le corps, tu me citais sérieusement Théarion le boulanger, Mithæcos, l’auteur du traité sur la cuisine sicilienne, et Sarambos le marchand de vins, en m’expliquant que tous ces hommes s’entendent merveilleusement à la culture physique, l’un pour fabriquer le pain, l’autre pour les ragoûts, le troisième pour le vin.

Tu te fâcherais peut-être si je te disais : « Mon ami, tu ne connais rien à la gymnastique ; tu me parles de gens qui sont bons à servir et à satisfaire des désirs, mais qui ne savent absolument rien du beau et du bien en cette affaire ; ces gens peuvent fort bien, si cela se trouve, remplir ou épaissir les corps de quelques hommes et obtenir leurs éloges, mais n’en détruisent pas moins en définitive leur ancien embonpoint ; les victimes, elles, dans leur ignorance, n’attribueront pas à ceux qui les nourrissaient la responsabilité de leurs maladies et la perte de leurs muscles ; mais s’il se trouve là des personnes qui leur donnent quelques conseils, lorsque cette gloutonnerie contraire aux lois de la santé sera

    mière partie à 511 a. Revenant alors une fois de plus à sa théorie des deux méthodes de culture (cf. 513 d), Socrate complète son jugement sur les hommes d’État (517 a-519 b) : non seulement ils ont, sans profit pour eux-mêmes, perverti leurs concitoyens, mais le bien-être qu’en s’abaissant à un rôle servile ils leur ont procuré, risque de compromettre les avantages de leur situation antérieure.