Gorgias. — Parfaitement.
b Socrate. — Mais quoi ? Celui qui a appris l’architecture est architecte, n’est-il pas vrai ?
Gorgias. — Oui.
Socrate. — Et musicien, celui qui a appris la musique ?
Gorgias. — Oui.
Socrate. — Médecin, celui qui a appris la médecine, et ainsi de suite : quand on a appris une chose, on acquiert la qualité que confère la science de cette chose ?
Gorgias. — Évidemment.
Socrate. — À ce compte, celui qui sait le juste est juste ?
Gorgias. — Sans doute.
Socrate. — Et celui qui est juste agit selon la justice ?
Gorgias. — Oui.
c [Socrate. — Ainsi, l’homme qui sait la rhétorique est nécessairement juste, et le juste ne peut vouloir agir que justement ?
Gorgias. — Il y a apparence.
Socrate. — L’homme juste ne saurait, par conséquent, vouloir commettre l’injustice.
Gorgias. — Nécessairement[1].]
Socrate. — Or, l’orateur, d’après ce que nous avons dit, est nécessairement juste ?
Gorgias. — Oui.
Socrate. — Par conséquent, il ne saurait vouloir commettre l’injustice.
Gorgias. — Il semble bien que non.
Socrate. — Te rappelles-tu ce que tu me disais tout à l’heure[2] ? Qu’il ne faut pas d accuser les pédotribes ni les expulser des cités s’il arrive qu’un pugiliste use de son habileté au pugilat pour une fin mauvaise ? Et que, de même, si un orateur fait un usage coupable de l’art oratoire, ce n’est pas le maître qu’il faut accuser et bannir, mais bien celui qui a commis la faute en usant mal de l’art oratoire ? M’as-tu dit cela, oui ou non ?
- ↑ Il est possible que dans le second groupe de répliques, le sujet seul (ὅ γε δίκαιος, l’homme juste) soit interpolé ; mais le premier groupe encombre et obscurcit le raisonnement, en concluant prématurément sur « l’homme qui sait la rhétorique ».
- ↑ Cf. p. 456 d-e.