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GORGIAS

pond la cuisine comme la forme de flatterie qui prend son masque. À la gymnastique correspond de la même façon la toilette, chose malfaisante, trompeuse, basse, indigne d’un homme libre, qui produit l’illusion par des apparences, par des couleurs, par un vernis superficiel et par des étoffes. Si bien que la recherche d’une beauté empruntée fait négliger la beauté naturelle que donne la gymnastique.

Pour abréger, je le dirai dans le langage des géomètres (peut-être maintenant me comprendras-tu) c que ce que la toilette est à la gymnastique la cuisine l’est à la médecine[1] ; ou plutôt encore, que la sophistique est à la législation comme la toilette est à la gymnastique, et que la rhétorique est à la justice comme la cuisine est à la médecine. Toutefois si, je le répète, ces choses diffèrent ainsi en nature ; comme d’autre part elles sont voisines, sophistes et orateurs se confondent, pêle-mêle, sur le même domaine, autour des mêmes sujets, si bien qu’ils ne savent eux-mêmes quel est au vrai leur emploi, et que les autres hommes ne le savent pas non plus. d De fait, si l’âme, au lieu de commander au corps, le laissait vivre indépendant ; si elle n’intervenait pas pour reconnaître et distinguer la cuisine de la médecine, et que le corps dût faire à lui seul ces distinctions, sans autre moyen d’appréciation que le plaisir qui lui revient de ces choses, les applications ne manqueraient pas, mon cher Polos, du principe d’Anaxagore (ces doctrines te sont familières) : « Toutes les choses seraient confondues ensemble et pêle-mêle », celles de la médecine et de la santé avec celles de la cuisine.

Tu connais maintenant ce qu’est, selon moi, la rhétorique : elle correspond, pour l’âme, e à ce qu’est la cuisine pour le corps. C’est peut-être une singulière inconséquence de ma part d’avoir parlé si longuement après t’avoir interdit les longs discours ; j’ai pourtant une excuse : quand je te parlais brièvement, tu ne tirais rien de mes réponses et tu me demandais des explications. Si donc à mon tour je trouve tes réponses insuffisantes, 466 tu pourras les développer ; sinon,

    l’usage de celui à qui elle offre ». Dans les deux cas, la construction (reprise de ἃ προσφέρει comme sujet de ὁποῖα… ἐστίν) est laborieuse. Il a paru cependant difficile de toucher au texte : la forme recherchée qu’il affecte reparaît avec insistance à 503 e. Pour le sens général, cf. 501 a.

  1. Ayant défini les deux arts et les deux flatteries qui ont pour