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PHÉDON

côté : « Toujours, en vérité, dit-il, Cébès est en quête de quelque argument : il n’a pas la moindre tendance à croire tout de suite ce que l’on dit ! — Pourtant, Socrate, repartit Simmias, il se trouve, qu’à mon avis aussi, justement, il y a du bon dans le langage de Cébès : dans quelle intention en effet des hommes véritablement sages fuiraient-ils des maîtres qui valent mieux qu’eux et, le cœur léger, s’éloigneraient-ils de ceux-ci ? Mon avis, c’est en outre que tu es visé par l’objection de Cébès, puisque c’est pareillement d’un cœur léger que tu supportes de nous abandonner, nous et ces chefs excellents, tu en conviens toi-même, que sont b des Dieux. — Vous avez raison, répondit Socrate ; car je crois vous comprendre : voilà un grief dont je dois me défendre tout comme au tribunal ! — C’est tout à fait certain, dit Simmias. — Eh bien, allons-y ! reprit-il. Et tâchons de présenter devant vous une défense plus convaincante que devant les juges[1] ! Oui, dit-il, je l’avoue, Simmias et Cébès : sans la conviction que je vais me rendre, d’abord auprès d’autres Dieux, sages et bons, puis encore auprès d’hommes trépassés qui valent mieux que ceux d’ici, j’aurais grand tort de ne pas m’irriter contre la mort. Mais en réalité, sachez-le bien, c mon espérance de m’en aller auprès d’hommes qui soient bons, si pour la défendre sans doute je ne m’acharnerais pas, en revanche pour ce qui est de me rendre auprès de dieux qui sont des maîtres tout à fait excellents, oui, sachez-le, s’il y a pareille chose que je défendrais avec acharnement, c’est bien aussi celle-là ! La conséquence, c’est que dans ces conditions je n’ai plus les mêmes raisons de m’irriter. Mais au contraire j’ai bon espoir qu’après la mort il y a quelque chose, et que cela, comme le dit au reste une antique tradition, vaut beaucoup mieux pour les bons que pour les méchants. — Qu’est-ce à dire, Socrate ? repartit Simmias. Peux-tu garder pour toi ces pensées alors que tu as en tête de t’en aller ? Ne nous en ferais-tu d point part ? Car certes il s’agit là, c’est mon opinion, d’un bien qui nous est commun à tous ; et du même coup tu auras fourni ta défense, s’il se trouve que ton langage nous ait convaincus.

    30 fin) : l’âme est en prison dans le corps. Par contre poste de garde (Cic. De sen. 20, 73 ; Somn. Scip. 3, 10) convient mal au contexte.

  1. Le plaidoyer annoncé part de la double espérance que So-