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PHÉDON

constitue la tempérance, c la justice, le courage ; et peut-être enfin la pensée elle-même est-elle un moyen de purification. Il y a chance, ajouterai-je, que ceux-là même à qui nous devons l’établissement des initiations ne soient pas sans mérite, mais que ce soit la réalité depuis longtemps cachée sous ce langage mystérieux : quiconque arrive chez Hadès en profane et sans avoir été initié, celui-là aura sa place dans le Bourbier, tandis que celui qui aura été purifié et initié habitera, une fois arrivé là-bas, dans la société des Dieux[1]. C’est que, vois-tu, selon la formule de ceux qui traitent des initiations : « nombreux sont les porteurs de thyrse, et rares les Bacchants ». Or ces derniers, d à mon sens, ne sont autres que ceux dont la philosophie au sens droit du terme a été l’occupation. Pour en être, je n’ai, quant à moi et dans la mesure au moins du possible, rien négligé pendant ma vie ; j’y ai mis au contraire et sans réserve tout mon zèle. Mon zèle d’autre part fut-il légitime, a-t-il obtenu quelque succès ? C’est de quoi, une fois là-bas, nous aurons, s’il plaît à Dieu, certitude un peu plus tard : telle est du moins mon opinion.

« Voilà donc, dit-il, Simmias et Cébès, ma défense ; voilà pour quelles raisons je vous quitte, vous aussi bien que mes Maîtres d’ici, sans en éprouver ni peine ni colère, parce que, j’en suis convaincu, là-bas e non moins absolument qu’ici je rencontrerai de bons Maîtres comme de bons camarades. La foule, il est vrai, est là-dessus incrédule. Si donc pour vous je suis dans ma défense plus persuasif que pour les juges d’Athènes, ce sera bien ! »


Deuxième partie.
Le problème de la survivance de l’âme.

Les paroles de Socrate amenèrent cette répartie de Cébès : « Tout cela est, dit-il, à mon avis personnel, fort bien parler, Socrate ; j’en excepte ce qui, touchant l’âme, 70 est pour les hommes une abondante source d’incrédulité. Peut-être bien, se disent-ils[2], une

  1. Platon dégage le sens de cet enseignement. Peu importe que les professionnels de l’initiation, les Orphéotélestes fassent ailleurs figure de charlatans (Rep. II, 363 cd, 364 e sq.). Le Bourbier des profanes, le Paradis des initiés sont raillés par Aristophane (Grenouilles 145-158) et par Diogène le Cynique (Diog. La. VI, 39).
  2. Croyances homériques, liées à la conception de l’âme-souffle ;