Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 1 (éd. Robin).djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
71 a
24
PHÉDON

traires naissent celles qui leur sont contraires. — Hé ! absolument.

— Et maintenant, dis-moi, dans ces choses en outre n’y a-t-il pas à peu près ce que voici ? Entre l’un et l’autre contraire, dans tous les cas, n’y a-t-il pas, puisqu’ils sont deux, une double génération : l’une qui va d’un de ces contraires à b son opposé, tandis que l’autre, inversement, va du second au premier ? Voici en effet une chose plus grande et une plus petite : entre les deux n’y a-t-il pas accroissement et décroissement, ce qui fait dire de l’une qu’elle croit et de l’autre qu’elle décroît ? — Oui, dit-il. — Et la décomposition ou la composition, le refroidissement ou réchauffement, et toute opposition pareille qui, sans avoir toujours de nom dans notre langue, n’en comporterait pas moins en fait dans tous les cas cette même nécessité, et de s’engendrer mutuellement, et d’admettre mutuellement pour chaque terme une génération dirigée vers l’autre[1] ? — Hé ! absolument, fit-il. — Qu’est-ce à dire, par conséquent ? reprit Socrate ; est-ce que c « vivre » n’a pas un contraire, tout comme « être éveillé » a pour contraire « être endormi » ? — C’est absolument certain ! — Et ce contraire ? — C’est, dit-il, « être mort ». — N’est-il pas vrai, et que ces états s’engendrent l’un de l’autre puisque ce sont des contraires, et que la génération entre l’un et l’autre est double puisqu’ils sont deux ? — Comment non, en effet ? — Or donc, dit Socrate, l’un des couples de contraires dont je parlais à l’instant, c’est moi qui vais te l’énoncer, lui et sa double génération ; et c’est toi qui m’énonceras l’autre. À moi de parler : d’une part « être endormi », de l’autre, « être éveillé » ; ensuite, c’est de « être endormi » que provient « être éveillé » et de « être éveillé » que provient « être endormi » ; d enfin, pour ces deux termes, les générations sont, l’une « s’assoupir », l’autre « s’éveiller ». Cela te suffit-il, ou non ? — Certes, absolument. — À ton tour maintenant, reprit-il, de m’en dire autant pour la vie et la mort. Ne prononces-tu pas, d’abord, que « vivre » a pour contraire « être

  1. Certes, ni dépérir, ni agoniser ne sont proprement des générations : ce n’en sont pas moins des progrès vers l’un des contraires. Entre celui-ci et son opposé, qui forment un couple fixe, il y a un double devenir en deux directions divergentes et qui s’équilibrent. Ainsi chaque contraire devient son contraire.