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PHÉDON

nier de guerre ? et, remarqué de Socrate pour son intelligence, racheté à sa prière par un des amis du Maître, par Cébès même, précisait-on parfois ? Il se trouve, il est vrai, qu’en 401-400 les faubourgs de sa ville natale furent ravagés par les Spartiates, qui étaient alors les alliés d’Athènes. Mais quel rapport y a-t-il entre ce fait et la tradition ? Celle-ci semble bien n’être qu’un petit roman en marge du Phédon. La figure du personnage n’est peut-être pas plus aisée à déterminer d’après les données du dialogue. Sans nul doute, à le voir assis près du lit de Socrate, et le Maître pressant entre ses doigts les boucles de sa longue chevelure (89 b), on peut le prendre pour un disciple particulièrement aimé[1]. Le tableau est gracieux sans fadeur ; la vivacité rieuse des réparties tempère l’émotion. Mais ce disciple aimé est-il un tout jeune homme ? On l’admet le plus souvent, pour cette raison que c’était à Athènes l’usage des jeunes gens de porter les cheveux longs. Pourquoi donc alors Socrate aurait-il coutume de railler[2] Phédon sur une pratique habituelle à son âge ? Tout au contraire il est naturel qu’il le gronde souvent de conserver dans Athènes un usage de son pays, qui n’y convient pas aux hommes qui ont passé la jeunesse. Au surplus, et quelle que fût la réalité, il semble impossible que Platon ait pu vouloir donner une apparence simplement aimable à celui dont il faisait le narrateur d’un entretien où s’agitent, autour de Socrate mourant, les problèmes derniers de la conduite et de la destinée. Quelle confiance Échécrate pourrait-il avoir dans l’exactitude d’un témoin que sa grande jeunesse eût empêché de s’élever à de telles hauteurs ou de suivre une discussion si subtile ? D’autre part, après avoir, au mépris des indications implicites de Platon, supposé Phédon très jeune en 399, on est ensuite conduit à supposer en outre que la fondation de son école à Élis est de beaucoup postérieure à la mort de Socrate. Quelle doctrine y enseignait-il ? Sans doute une doctrine voisine de celle des Mégariques et fondée sur un

  1. Le fait qu’Eschine avait aussi donné son nom à l’un de ses dialogues socratiques ne prouve rien par lui-même quant à l’autorité dont il jouissait (quoi qu’en pense Archer Hind, éd. du Phédon, Introd., p. 40).
  2. L’interprétation la plus répandue (cf. p. 54, n. 1) donne à toute la scène une tournure équivoque et, par rapport aux circonstances, singulièrement déplacée.