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PHÉDON

soi que nous sommes nés, et c’est une connaissance à vie pour nous tous ; ou bien, postérieurement à la naissance, ceux dont nous disons qu’ils s’instruisent, ils ne font que se ressouvenir ; auquel cas l’instruction serait une réminiscence. — La chose est vraiment tout à fait bien présentée ainsi, Socrate ! — Quel est, par suite, ton choix, Simmias ? Le savoir pour nous en naissant ? ou bien un ressouvenir b ultérieur de ce dont antérieurement nous avions acquis le savoir ? — Je suis incapable pour le moment, Socrate, de faire ce choix ! — Mais, dis-moi, voici un choix que tu es en état de faire, en me disant à son sujet ton opinion : un homme qui saurait, serait-il capable, ou non, de rendre raison de ce qu’il sait ? — Nécessité majeure, Socrate ! — Crois-tu en outre que tout le monde soit capable de rendre raison de ces réalités dont il était tout à l’heure question ? — Ah ! je le voudrais bien ! répondit Simmias. Mais ma peur est beaucoup plutôt que demain, à pareille heure, il n’y ait plus un homme au monde qui soit à même de s’en acquitter dignement ! — Il en résulte c au moins, Simmias, qu’à ton avis le savoir de ces réalités n’appartient pas à tout le monde ? — Absolument pas ! — C’est donc que les hommes se ressouviennent de ce qu’en un temps passé ils ont appris ? — Nécessairement. — Et quel est ce temps où nos âmes ont acquis le savoir de ces réalités ? Bien sûr en effet, ce n’est pas à dater de notre naissance humaine ? — Sûrement non ! — C’est donc antérieurement ? — Oui. — Les âmes, Simmias, existaient par conséquent antérieurement aussi à leur existence dans une forme humaine, séparées des corps et en possession de la pensée. — À moins, Socrate, que le moment de notre naissance ne soit celui-là même où nous acquérons ces connaissances ; car voilà encore un temps qui nous reste. — d En vérité, mon camarade ? Mais alors en quel autre temps les perdons-nous ? Car c’est un fait certain que nous n’en disposions pas quand nous sommes nés : nous en sommes tombés d’accord il n’y a qu’un instant. Ainsi, ou bien nous les perdons dans le moment même où aussi nous les acquérons ; ou bien tu as quelque autre moment que tu puisses alléguer ? — Impossible, Socrate ! La vérité, c’est plutôt que sans m’en apercevoir j’ai parlé pour rien.

— Dès lors, est-ce que notre situation, Simmias, n’est pas celle-ci ? S’il existe, comme sans cesse nous le ressassons, un