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PHÉDON

elle-même et par d elle-même dans cet examen, c’est là-bas qu’elle s’élance, dans la direction de ce qui est pur, qui possède toujours l’existence, qui ne meurt point, qui se comporte toujours de même façon ; en raison de sa parenté avec lui, c’est toujours auprès de lui qu’elle vient prendre la place à laquelle lui donne droit toute réalisation de son existence en elle-même et par elle-même ; de ce coup elle s’arrête d’errer et, au voisinage des objets dont il s’agit, elle conserve elle aussi toujours son identité et sa même façon d’être : c’est qu’elle est en contact avec des choses de cette sorte[1]. Or cet état de l’âme, n’est-ce pas ce que nous avons appelé pensée ? — Voilà, Socrate, fit-il, qui est tout à fait bien dit et vrai ! — Quelle est donc, une fois encore, celle de nos deux espèces avec laquelle, à ton avis, d’après nos arguments passés comme d’après ceux d’à présent, e l’âme a le plus de ressemblance et de parenté ? — Il n’y a personne, à mon avis, Socrate, répliqua-t-il, qui puisse ne pas concéder, en suivant cette voie et si dure eût-on la tête, que en tout et pour tout l’âme a plus de ressemblance avec ce qui se comporte toujours de même façon, qu’avec ce qui ne le fait pas. — Et le corps de son côté ? — Avec la seconde espèce.

— Voici maintenant un autre point de vue. Lorsque sont ensemble âme et corps, à ce dernier 80 la nature assigne servitude et obéissance ; à la première, commandement et maîtrise[2]. Sous ce nouveau rapport, des deux quel est, à ton sens, celui qui ressemble à ce qui est divin et celui qui ressemble à ce qui est mortel ? Mais peut-être n’est-ce pas ton avis que ce qui est divin soit, de sa nature, fait pour commander et pour diriger, ce qui est mortel, au contraire, pour obéir et pour être esclave ? — C’est bien mon avis. — Auquel donc des deux l’âme ressemble-t-elle ? — Rien de plus clair, Socrate ! Pour l’âme, c’est au divin ; pour le corps, c’est au mortel.

— Examine en conséquence, Cébès, dit-il, si tout ce qui

  1. Comparer Rep. VI, 485 b, 500 bc, et surtout Théét. 174 a-176 a : la vie spirituelle imite l’ordre éternel ; l’autre est dominée par la nécessité matérielle, par ce que le Timée (48 a ; cf. 43) nomme justement la cause errante, opposée à la causalité du Bien (cf. ici 81 a).
  2. L’âme est maîtresse parce que Dieu l’a voulue et l’a faite antérieure au corps, Timée 34 c, Lois X, 893 a, 896 bc.