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PHÉDON

craindre qu’elle ait peur, ni, puisque c’est à cela, Simmias et Cébès, qu’elle s’est employée, qu’elle redoute d’être éparpillée au moment où elle se sépare du corps, ou d’être dispersée au souffle des vents, ou d’être envolée et, une fois partie, de n’être plus rien nulle part ! »


Troisième partie.
Le problème est repris.

Il se fit, après ces paroles de Socrate, c un silence qui dura longtemps. Socrate, cela se voyait à le regarder, avait l’esprit tout entier à l’argument qui venait d’être exposé, et c’était la même chose pour la majorité d’entre nous. Quant à Cébès et à Simmias, ils s’entretenaient ensemble à mi-voix. S’en étant aperçu, Socrate s’adressa à tous les deux : « Dites donc ! interrogea-t-il, votre avis à vous autres, n’est-il pas par hasard que ce qui a été dit n’est pas tout ce qu’il y a à dire ? Il est bien certain qu’il y reste plus d’un point suspect et qui donnerait prise contre nous, à condition du moins que cette fois on doive en faire une revision suffisante. À la vérité, si c’est autre chose que vous avez en vue, je parle pour rien ! Mais, si c’est cela qui vous embarrasse, pas d’hésitation ! prenez vous-mêmes la parole, d exposez ce que vous pouvez bien, vous, apercevoir de mieux à dire, et à votre tour prenez-moi pour second, si vous croyez avoir plus de chances, avec mon concours, de sortir de votre embarras ! — Eh bien, oui, Socrate ! répondit Simmias, je vais te dire la vérité : voilà déjà un bon moment que, sentant cet embarras, chacun de nous presse l’autre de se mettre en avant et de t’interroger : nous avons en effet envie de t’entendre, mais nous hésitons aussi à te causer du tracas et à te faire de la peine, en raison de l’épreuve que tu traverses ! »

En entendant cela, Socrate eut un léger rire : « Miséricorde, Simmias ! dit-il. Il se peut assurément que j’aie bien de la peine à persuader le reste des hommes e que je ne tiens pas pour épreuve la conjoncture où je me trouve, s’il est vrai que je ne réussisse même pas à vous en persuader, vous, et si vous avez peur au contraire que je ne sois à présent d’humeur plus chagrine que dans le passé de ma vie ! C’est, vraisemblablement, que vous me jugez moins bien doué que les cygnes pour la divination. Quand ceux-ci sentent en effet venir l’heure de leur mort, le chant qu’ils avaient auparavant, ce chant se fait alors plus fréquent 85 et plus éclatant que jamais, dans leur joie