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PHÉDON

moi, dit Cébès, ce fut autrefois merveille quelle conviction j’en reçus, et à présent il n’y a point d’argument auquel je sois plus attaché ! — Au reste, je suis à mon tour dans le même cas, ajouta Simmias ; et rien ne m’émerveillerait davantage que de jamais changer d’opinion, au moins à son sujet ! »


Socrate répond à Simmias.

Alors Socrate : « Eh bien ! Étranger de Thêbes, tu n’y peux rien : il faut prendre d’autres sentiments, pour peu que persiste cette idée-ci, qu’une harmonie est une chose composée, et que de son côté l’âme, en tant qu’harmonie, est la composition des tensions constitutives du corps[1]. Car s’il est une assertion que tu ne te permettrais même pas à toi-même, b c’est que l’harmonie, étant composée, ait précédé dans l’existence les choses dont il fallait qu’elle fût constituée ! Dis, est-ce que tu la permettras ? — Pas le moins du monde, Socrate ! répondit-il. — Tu t’aperçois donc, fit Socrate, que c’est à ce résultat qu’est exposé ton langage[2] ? Tu affirmes d’une part que l’âme existait avant de passer dans une forme d’homme et du même coup dans un corps ; de l’autre, que ce dont elle a été composée, ce sont les choses qui n’existaient pas encore ! Car c’est un fait que l’harmonie ne ressemble pas à ce qu’elle te sert à figurer : bien au contraire, ce qui est en premier, c’est la lyre, les cordes, ce sont leurs sons, qui naissent sans réaliser encore une harmonie ; mais en dernier, c c’est l’harmonie qui se forme de tous ces sons, et voilà ce qui est d’abord détruit. Ce langage, en conséquence, quel espoir as-tu qu’il doive chanter d’accord avec celui dont il était question[3] ? — Je n’en ai nul espoir, dit Simmias. — Et pourtant, repartit Socrate, s’il est un langage auquel au moins il siée d’être concertant, c’est bien celui qui parle de

    miner une thèse il faut déterminer de quoi l’on convient de part et d’autre (cf. p. 12, n. 2). Or Simmias et Cébès ont tous deux accepté la préexistence de l’âme et, par suite, la réminiscence comme fondement du savoir, 72 e, 76 e-77 b.

  1. Ce sont les deux aspects de la thèse de Simmias. Sur le second cf. 86 cd : chaud et froid, etc. sont, dans le corps, des tensions pareilles à celles des cordes pour donner l’aigu et le grave.
  2. Ce qu’a dit Simmias le conduit en outre à parler ainsi (p. 39, n. 1).
  3. La théorie suggère l’emploi de la langue musicale, cf. 86 e.