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NOTICE

un tel relief des pratiques auxquelles il a renoncé pour les plus graves raisons ; et plus mal encore, dans l’autre hypothèse, qu’il soit obligé de s’expliquer ainsi sur ce qui serait la procédure accoutumée de son enseignement et de ses recherches. C’est donc à peine si Platon dissimule que, sur ce point, son langage n’est point dans le Phédon celui que tenait son maître.

De même le Socrate du Phédon est très éloigné de celui qui professe savoir une seule chose, c’est qu’il ne sait rien. C’est un philosophe qui spécule sur l’Être et sur le Devenir, qui a là-dessus des doctrines bien définies, à l’enseignement desquelles il se réfère souvent et qui sont connues et acceptées de Simmias comme de Cébès. À vrai dire, tandis que le second connaît bien la théorie de la réminiscence, le premier l’ignore ou l’a oubliée[1] ; mais peut-être n’y a-t-il pas là qu’un artifice destiné à effacer cette impression de dogmatisme et à rendre à l’entretien sa liberté d’allure. D’autre part, non seulement les recherches des Physiciens ne sont pas ignorées de ce Socrate, non seulement il les a lui-même pratiquées (en quoi l’on voit le Phédon s’accorder avec les Nuées, d’un quart de siècle antérieures au procès)[2] ; mais bien plus il ne s’en est pas actuellement désintéressé. Car c’est une nouvelle physique qu’il se propose de substituer à l’ancienne. Au surplus, lié comme il l’est à l’explication de la vie et de la mort, le problème de l’âme ne concerne-t-il pas la physique ? Mais comment croire, cette fois encore, qu’un philosophe qui n’a pas renoncé à savoir pourquoi les choses naissent, existent et enfin périssent, ait gardé par devers lui jusqu’aux dernières heures de sa vie un ensemble de preuves si savamment élaboré, si étroitement noué aux doctrines qui sont déjà familières aux membres du groupe dont il est le chef ?

D’un autre côté cependant il se caractérise fortement par son attitude profondément religieuse et par l’enthousiasme de son ascétisme. Bien que, ce qui peut étonner, le Phédon ne contienne pas d’allusion explicite à la mission dont Socrate a été investi par le Dieu de Delphes, l’image d’Apollon n’en domine pas moins le dialogue : c’est lui qui visite

  1. Pour ceci et ce qui précède voir les références, p. viii, n. 1.
  2. Voir le morceau de 96 a-101 a et p. 87, n. 1 fin.