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PHÉDON

c est-ce que tu ne t’en garderais pas ? Tu jetterais les hauts cris : « Non, il n’y a pas, que je sache, d’autre façon pour chaque chose de venir à l’existence, sinon de participer à l’essence propre de chaque réalité dont elle doit participer ; et ainsi, dans ces deux cas, je n’ai pas d’autre cause à alléguer de l’apparition du deux, si ce n’est la participation à la Dualité ; bref, c’est une nécessité que participe à celle-ci ce qui doit être deux, et à l’Unité, ce qui doit être un ». Quant à ces fractionnements, à ces adjonctions et autres semblables finesses, tu leur dirais bonsoir, abandonnant ces explications aux hommes qui sont plus savants que toi !


La méthode.

Toi au contraire, l’effroi que tu as, comme d on dit, de ton ombre même, l’effroi de ton incompétence, ton attachement à la sécurité que tu as trouvée à prendre pour base la thèse dont il s’agit, t’inspireraient une semblable réponse. Mais si quelqu’un s’attachait à la thèse en elle-même, c’est à lui que tu dirais bonsoir ; et, pour répondre, tu attendrais d’avoir examiné si, entre les conséquences qui en partent, il y a selon toi consonance ou dissonance. Puis, quand le moment serait venu pour toi de rendre raison de cette thèse en elle-même, tu en rendrais compte par le même procédé, en posant cette fois pour base une autre thèse, celle de toutes à laquelle, en remontant, tu trouverais le plus de valeur, jusqu’à ce que tu fusses arrivé à quelque résultat satisfaisant. Mais tu ne e t’empêtrerais pas dans les confusions où tombent les controversistes ; car tu ne t’entretiendrais pas du principe, en même temps que des conséquences dont il est le point de départ ; à condition du moins que tu eusses envie de découvrir quelque chose qui soit une réalité. C’est de quoi en effet, semble-t-il, ces gens-là ne parlent aucunement et ne se soucient pas davantage, aptes seulement, avec cette sagesse qui fait tout brouiller ensemble, à pouvoir se faire plaisir à eux-mêmes ! Toi, s’il est vrai que tu sois un philosophe, 102 au contraire, j’en ai la conviction, tu feras ce que je dis. — Ton langage, dirent en chœur Simmias et Cébès, est la vérité même ! »


Nouvelle pause dans le récit.

Échécrate. — Et, par Zeus ! non sans raison, Phédon. C’est en effet, à mon sens, une merveille de clarté, même pour un esprit médiocre, l’exposé de ces idées par Socrate.

(Annotation manuscrite après « C’est en effet, à mon sens, une merveille de clarté, même pour un esprit médiocre » : Ça c’est son avis à lui. — Je dois avoir un esprit bien au-dessous du médiocre.)