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PHÉDON

voulue, alors, si je m’en crois, la marche du raisonnement sera suivie par vous dans la plus large mesure où l’homme soit capable d’une telle suite. Supposons enfin que cela ait eu lieu d’une manière assurée : ainsi, vous ne pousserez pas plus avant votre recherche. — C’est la vérité même, dit-il.

— Il y a pourtant, reprit Socrate, une chose au moins à laquelle il est juste, vous tous, que vous réfléchissiez : c’est que, si vraiment l’âme est immortelle, c elle réclame qu’on en ait soin, non pas seulement pour le temps que dure ce que nous appelons vivre, mais pour la totalité du temps ; car ce serait dès lors un risque redoutable, semble-t-il, de ne pas se soucier d’elle. Admettons en effet que mourir, ce soit se détacher de son tout, quelle aubaine serait-ce pour les méchants, une fois morts, en même temps qu’ils sont détachés de leur corps, de l’être aussi, avec leur âme, de cette méchanceté qui est leur[1] ! Mais en réalité, du moment où il est manifeste que l’âme n’est point mortelle, alors il n’existe pour elle aucune autre échappatoire à ses maux, aucune autre sauvegarde, sinon de se rendre d et la meilleure possible et la plus sage. L’âme en effet n’a rien de plus avec elle, quand elle se rend chez Hadès, que sa formation morale et son régime de vie, dont justement, selon la tradition, c’est ce qui sert ou nuit le plus à un trépassé dès le début de la route qui le conduit là-bas[2].


Mythe géographique de la destinée des âmes.

« Or voici quelle est cette tradition. Tous les trépassés, ayant été individuellement durant leur vie attribués par le sort à un Génie, celui-ci se charge de les mener en un certain lieu, celui où ils sont rassemblés pour se faire juger. Après quoi ils doivent se mettre en route vers les demeures d’Hadès, en compagnie du guide en question, e auquel mission a été donnée de faire faire route jusque là-bas à ceux qui viennent d’ici. Mais, quand ils y ont eu le sort qu’ils y devaient avoir et qu’ils y sont restés le temps qu’ils devaient y rester, c’est un autre guide qui les ramène par ici ; ce pour quoi il faut de multiples et longues révolutions du temps. Preuve que la route n’est pas comme

  1. Idée développée dans Rep. X, 608 d-611 a ; cf. surtout 610 d.
  2. Voir le texte (déjà cité p. 42, n. 1) du Gorgias 523 c, e ; 524 d fin.