Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 1 (éd. Robin).djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxv
NOTICE

promettent, d’après une antique tradition, la béatitude après leur mort[1]. Il s’agit donc de justifier par des motifs plausibles cette double espérance (63 b-64 a).

Un premier motif se tire de la conduite même du vrai philosophe : son unique occupation est en effet de s’acheminer à la mort et, enfin, de mourir ; pourquoi s’irriterait-il d’avoir atteint le but de son activité ? (64 a) — La qualité spécifique de la mort dont il travaille ainsi à se rendre digne, fournit un second motif. La mort en effet c’est le corps rendu à lui-même, l’âme rendue à elle-même, la séparation des deux. Or, si le philosophe fait aux yeux du vulgaire figure de moribond, c’est parce qu’il dédaigne tous les plaisirs qui intéressent le corps. Mais, s’il les dédaigne, c’est que, pour lui, il n’y a que la possession de la pensée et l’exercice de la pensée dans le raisonnement pour permettre le plus possible à celle-ci, en isolant le plus possible aussi l’âme du corps, le contact avec la vérité et la connaissance de l’être des choses ; tandis que cette condition est empêchée ou pervertie par l’usage des organes corporels de la sensation et par les émotions qui y sont liées. Si donc notre doctrine est vraie, que chaque réalité : « juste », « beau », « bon », ou « grandeur », « santé », « force », peut être connue exactement et purement dans la vérité de son essence individuelle[2], ce doit être sans aucun mélange de ce qui vient du corps et par le corps, mais au moyen seulement de la réflexion raisonnée (64 a-66 a). — La conclusion s’impose : ou bien l’âme ne connaîtra rien véritablement, ce qui est son but, qu’après la mort et complètement séparée du corps ; ou bien elle n’approchera pendant la vie d’un tel savoir qu’à la condition de réduire autant que possible son commerce avec le corps et de se purifier, pour entrer en contact avec ce qui lui-même est pur (66 b-67 b).

2o  Les motifs de l’espérance du philosophe ayant été ainsi déterminés, il faut dire quels sont chez lui les effets et les

  1. Cf. 80 d, 81 a ; p. 40, n. 1 et 3.
  2. 65 d, αὐτό signifie qui n’est que cela seul (voir p. 35, n. 1 et p. 39, n. 2), et en soi en même temps que pour nous, mais à condition que nous usions de la pensée sans aucun concours de la sensation. La chose en soi n’est donc pas, comme dans le Kantisme, strictement inconnaissable pour nous ; elle est au contraire chez Platon le connaissable par excellence.