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PHÉDON

lui remontrant le dommage auquel autrement il s’expose[1], la philosophie fait-elle effort pour lui faire comprendre en quoi consiste le mal suprême, celui dont tous les autres découlent. Ce mal, observe Platon avec une pénétrante précision, c’est que l’intensité de l’émotion porte invinciblement l’âme à juger de l’objet qui a fait naître cette émotion qu’il est tout ce qu’il y a de plus vrai : les plaisirs et les peines sont la pointe qui cloue l’âme au corps, en sorte qu’elle juge de la vérité en fonction de son corps. Le calcul du philosophe, c’est au contraire qu’il ne vaudrait pas d’avoir pris tant de peine en vue de s’affranchir, pour mettre ensuite de nouveau son âme à la merci des émotions corporelles. Il a vécu dans l’exercice et sous la conduite de la pensée raisonnante[2], ayant pour objet de contemplation et pour aliment le vrai et le divin, ce qui échappe aux fluctuations de l’opinion ; il ne craindra donc pas que son âme soit dissipée par la mort, car, en la menant vers ce à quoi elle est apparentée, la mort bien au contraire la délivrera de tous les maux humains (82 c-84 b).


Troisième partie,
84 c-116 a.

Après cette ardente exhortation à la vie spirituelle, un long silence coupe par une sorte d’entr’acte le déroulement de l’entretien. Chacun médite de son côté, Socrate comme ses amis. Au tour de ceux-ci d’exposer leurs propres conceptions ; tout le premier, Socrate voit bien les insuffisances de la sienne et la prise qu’elle offre aux objections ; il est tout prêt à chercher avec eux une solution meilleure et qui mette fin à leurs doutes (84 cd).

Quelles sont donc ces insuffisances ? Dans la première partie Platon a donné des motifs de croire à une vie future de l’âme. Il a même commencé, dans la deuxième partie, d’en définir la nature, en alléguant des raisons, dont chacune détermine un caractère de l’âme. Mais ce ne peut être là qu’un prélude : l’âme, qui est le principe permanent de la vie, a en outre la pensée ; par ce second caractère elle est corrélative de l’Idée, qui est l’intelligible. Mais on ignore si entre le premier caractère et le second il existe un lien nécessaire : de

  1. Rapprocher 83 a-c de 65 bc, 66 b-d, 79 d, 82 e.
  2. Comparer 84 a s. fin., avec 66 a, 79 a.