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PHÉDON

sur la terre moyenne, celle des hommes semblables à nous, et qu’à son tour cette dernière l’emporte sur la mer[1].

Pour un spectateur placé au dessus, la terre pure aurait l’aspect d’un ballon divisé en douze quartiers dont chacun a sa couleur propre (cf. p. 89, n. 3). Ces couleurs, dont trois seulement sont nommées : le pourpre, le jaune d’or et le blanc, ont dans cette région privilégiée une beauté, une pureté, un éclat dont nous ne pouvons avoir aucune idée, pas plus d’ailleurs que nous n’avons idée des autres couleurs qui s’y trouvent encore. De toute façon c’est un paradis. Le poli des roches, la coloration, la transparence, le volume des gemmes y sont incomparables ; l’or et l’argent s’y montrent en abondance à la surface du sol. Les saisons y sont mieux tempérées. La vie végétale y est plus riche. Les animaux y sont plus beaux, plus grands et comptent des espèces inconnues de nous. Les hommes y sont exempts de maladies et y vivent beaucoup plus longtemps ; leurs sens et leur intelligence y ont plus de pénétration et de portée : ils voient tels qu’ils sont réellement le soleil et la lune ; ils sont en relations directes avec les Dieux, qui leur parlent face à face et leur dévoilent l’avenir. Car ces Dieux habitent réellement parmi eux. Dans ces conditions le bonheur des hommes d’en haut est un bonheur parfait.

Enfin il existe pour eux trois habitats possibles, en rapport avec le rôle et les usages qui appartiennent là-haut à l’air, comme chez nous à l’eau : ou bien l’intérieur du continent ; ou bien la partie de ce continent que, telle une mer, baigne l’air ; ou bien des îles plus éloignées du continent et complètement entourées d’air (les Îles des Bienheureux ou Îles Fortunées).

2o  Mais cette partie supérieure d’une terre qui dans sa totalité est sphérique a en grand nombre des dépressions et des creux[2], différents par leur étendue, par leurs formes, par leurs caractères. Dans ces dépressions viennent sans cesse se déposer ensemble, comme des sédiments abandonnés par

  1. Sur cette infériorité de la mer, cf. 110 a. Les abîmes des mers sont, comme on le verra, les entrées des lieux souterrains.
  2. Opinion analogue chez Leucippe et Démocrite, chez Anaxagore et Archélaüs (Vors., ch. 54, A 24 [II³, p. 7, 26] ; ch. 55, A 94 ; ch. 46, A 42, § 5 ; ch. 47, A 4, § 4).