Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome V, 1.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
531 e
32
ION

Socrate. — Est-ce le même qui reconnaîtra aussi celles qui parlent mal, ou est-ce un autre ?

Ion. — Le même, évidemment.

Socrate. — Celui qui possède la science des nombres, c’est celui-là ?

Ion. — Oui.

Socrate. — Et lorsque plusieurs personnes parlent des aliments qui sont bons pour la santé, et que l’une d’elles en parle excellemment, est-ce un tel qui reconnaîtra l’excellence de celle qui parle le mieux, et tel autre l’infériorité de celle qui parle moins bien, ou est-ce le même ?

Ion. — Le même, évidemment : c’est clair.

Socrate. — Qui est-ce ? Quel est son nom ?

Ion. — Le médecin.

Socrate. — Nous disons donc, en résumé, que le même reconnaîtra toujours, entre plusieurs personnes parlant des mêmes sujets, qui en parle bien et 532 qui mal ; ou, s’il ne reconnaît pas qui parle mal, évidemment il ne reconnaîtra pas davantage qui parle bien, du moins sur le même sujet.

Ion. — C’est cela.

Socrate. — Ainsi le même homme s’entend à reconnaître également l’un et l’autre ?

Ion. — Oui.

Socrate. — Et ainsi, suivant toi, Homère et les autres poètes, notamment Hésiode et Archiloque[1], parlent des mêmes choses, mais non de la même façon, — j’entends l’un bien, et les autres moins bien ?

Ion. — Et j’ai raison de le dire.

Socrate. — Donc, si tu reconnais celui qui parle bien, tu saurais reconnaître aussi b l’infériorité de ceux qui parlent moins bien.

Ion. — Apparemment.

Socrate. — Donc, excellent ami, en disant qu’Ion est également habile sur Homère et sur les autres poètes, nous ne nous tromperons pas ; car il est le premier à convenir que le

    brouillard ; IV, 75 sq. étoile filante, etc.) ; les astres (Il., V, 5 sq. Sirius ; cf. XIII, 26 sq. etc. ; XXII, 317 sq. Hespéros, etc.). — Le pays des morts est décrit dans la Nékyia (Od., XI).

  1. Cf. 531 a et 531 d. Les anciens n’hésitaient pas à mettre à côté d’Homère Archiloque, le maître de la satire.