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MÉNEXÈNE

dehors[1]. Faut-il donc admettre que l’auteur du Ménexène a pris ici son sujet au sérieux, et qu’au lieu d’une parodie il nous offre, à la fin de son oraison funèbre, un modèle d’éloquence platonicienne ? En ce cas, on comprendrait mal qu’il eût juxtaposé dans le même discours deux parties si différentes par le ton et par l’intention.

Il est vrai que les railleries formulées dans le préambule dialogué ne visent que l’éloge. On ne saurait en être surpris. La nature même de la consolation ne prêtait pas aux défauts que Platon relevait dans l’éloge traditionnel. Lui-même n’aurait pu sans inconvenance traiter avec légèreté ce grave et douloureux sujet. Mais qu’il ait voulu y parler en son nom, qu’il s’y soit pleinement abandonné à l’émotion du citoyen et à la méditation du philosophe, c’est ce qu’il est permis de mettre en doute. Cette déclaration qu’il n’est pas de vraie science sans justice et sans vertu répond ailleurs à une conception platonicienne[2] ; est-elle ici autre chose qu’une banalité ? Gorgias reconnaît lui-même (Gorgias, 457 b) que l’orateur doit user de la rhétorique avec justice[3] : reste à s’entendre sur le sens et l’application du principe. Dans les consolations aux parents, dans les conseils adressés aux fils des morts, on attendrait de Platon l’affirmation que l’âme est immortelle : or la consolation se borne à faire allusion à l’autre monde (246 d), et à évoquer l’accueil que les fils recevront de leurs pères au séjour des morts, dans des termes vagues qui ne sortent pas du lieu commun (247 c). Et, plus loin, le sentiment que les morts peuvent avoir des vivants est donné comme une simple hypothèse (248 b). Hypéride, sur ce point, est plus affirmatif que Platon.

La richesse des idées dans la παραμυθία est plus apparente que réelle. Le conseil donné aux parents de supporter leur deuil avec mesure revient à quatre reprises[4] ; de même l’exhortation adressée aux fils de pratiquer à leur tour la vertu[5]. Plus loin, l’orateur rappelle sous trois formes diffé-

  1. Berndt, o. l., p. 55 ; Blass, o. l., p. 469, note 2.
  2. A. Croiset, op. laud., p. 61.
  3. Berndt, o. l., p. 11.
  4. 247 c ὡς ῥᾷστα φέρειν τὴν ξυμφοράν ; 247 d φέροντες ἀνδρείως τὰς συμφοράς ; 248 a οὔτε λυπούμενος ἄγαν ; 248 c βαρέως φέροντες. Cf. Berndt, o. l., p. 55.
  5. 246 d. Pour qui déshonore les siens il ne vaut pas la peine de