est utile, mais en avouant, comme certains autres, que c’est un vice ou une chose honteuse, nous pourrions pour te répondre en appeler à l’opinion générale ; mais il est évident que tu vas soutenir qu’elle est belle et forte, et que tu vas lui attribuer toutes les autres qualités que nous attribuions auparavant à la justice, 349puisque tu as eu l’audace de la mettre au rang de la vertu et de la sagesse.
On ne peut mieux deviner, dit-il.
Il ne faut pourtant pas se rebuter, dis-je ; il faut poursuivre notre examen, tant que j’aurai lieu de croire que tu parles sérieusement ; car il me paraît réellement, Thrasymaque, que ce n’est point raillerie de ta part et que c’est bien le fond de ta pensée que tu nous livres.
Que t’importe, répliqua-t-il, que ce soit ou non le fond de ma pensée ? réfute-moi seulement.
bPeu m’importe, en effet, dis-je ; mais tâche de répondre encore à la question que voici. Te semble-t-il que l’homme juste voudrait l’emporter en quelque chose sur l’homme juste[1] ?
Socrate réfute
Thrasymaque.
Jamais ; autrement il ne serait plus ridicule et sot, comme il l’est.
Mais dans un acte juste voudrait-il outrepasser la justice ?
Il ne le voudrait pas non plus, dit-il.
Mais voudrait-il l’emporter sur l’homme injuste et croirait-il juste ou injuste de le faire ?
Il le croirait juste, répondit-il, et il prétendrait l’emporter, mais il n’y parviendrait pas.
Ce n’est pas cela, dis-je, que je veux savoir ; je te demande si le juste n’aurait ni la prétention cni la volonté de l’emporter sur le juste, mais seulement sur l’homme injuste.
C’est bien ainsi, dit-il, que je l’entends.
Et l’injuste, prétendrait-il l’emporter sur le juste et sur l’action juste ? <refereces/>
- ↑ Thrasymaque a soutenu que l’injustice est vertu et sagesse. Pour le réfuter, Socrate a recours à une argumentation très subtile : L’homme juste, dit-il, s’efforce de dépasser l’homme injuste, mais non le juste ; l’homme injuste au contraire s’efforce de dépasser les deux, le juste et l’injuste. En outre l’homme injuste, étant sage et