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LA RÉPUBLIQUE

Donc une fois de plus nous n’approuverons pas Homère, quand il tient sur les dieux des propos comme celui-ci :

« Mais un rire inextinguible éclata parmi les dieux bienheureux, quand ils virent Héphaistos s’empresser à travers la salle.[1] »

Il est impossible de l’approuver, suivant ton raisonnement.

Mon raisonnement ! soit, dit-il, si tu veux qu’il soit de moi. bEn tout cas, c’est en effet impossible.


Seul, le gouverneur
a le droit
de mentir,
dans l’intérêt
de l’État.

Mais la vérité aussi a droit à notre considération. Car si nous ne nous sommes pas trompés tout à l’heure, si réellement le mensonge est inutile aux dieux et s’il est au contraire utile aux hommes à la manière d’un médicament, il est évident que l’emploi d’un tel médicament doit être réservé aux médecins et que les profanes ne doivent pas y toucher.

C’est évident, dit-il.

Si donc il appartient à quelqu’un de mentir, c’est aux gouverneurs de la cité, pour tromper les ennemis ou les citoyens, quand l’intérêt de l’État l’exige ; aucun autre n’a le droit de toucher à une chose si délicate. Si un particulier ment aux gouverneurs[2], cnous le déclarerons aussi coupable, plus coupable même que le malade qui trompe son médecin, que l’élève qui cache à son maître de gymnastique ses dispositions physiques, que le matelot qui dissimule au pilote l’état du vaisseau et de l’équipage, ce qu’il fait lui-même et ce que font ses camarades.

C’est très juste, dit-il.

Par conséquent, si le gouverneur surprend à mentir un citoyen

d

« de la classe des artisans, soit devin, soit médecin, soit charpentier[3], »

  1. Iliade, I, 599-600.
  2. .πρὸς… τοὺς ἄρχοντας aux gouverneurs : c’est la leçon de AF et de Stobée. T ajoute, devant ἄρχοντας, τοιούτους, de tels gouverneurs, qui s’explique mal, et qui n’est sans doute qu’une addition fautive due à la présence de τοιούτους dans la ligne précédente.
  3. Odyssée, XVII, 383-384.