Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/432

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
415 e
138
LA RÉPUBLIQUE

eils seront le mieux à portée de maîtriser au dedans les citoyens, s’il en est qui se révoltent contre la loi, et de repousser les attaques du dehors, si l’ennemi vient comme un loup fondre sur le troupeau. Quand ils auront établi leur camp[1] et fait les sacrifices à qui il convient, qu’ils dressent leurs tentes ; qu’en dis-tu ?

Je dis comme toi, répondit-il.

Des tentes propres à les abriter l’hiver et à les protéger contre la chaleur, n’est-ce pas ?

Sans doute : car il me semble, dit-il, que tu veux parler de leurs habitations.

Oui, dis-je, mais d’habitations de soldats, non d’hommes d’affaires.

416Quelle différence fais-tu ici encore entre les deux ? demanda-t-il.

Je vais, repris-je, essayer de te l’expliquer. Rien ne serait plus terrible et plus honteux pour des bergers que de nourrir et de former, pour les aider à protéger leurs troupeaux, des chiens que l’intempérance, la faim ou quelque vicieuse habitude porterait à faire du mal aux moutons et à devenir loups de chiens qu’ils devraient être.

Ce serait terrible, dit-il, à coup sûr.

bNe faut-il pas prendre toutes les mesures pour empêcher que nos défenseurs ne se conduisent ainsi à l’égard des citoyens, et qu’abusant de leur force, de protecteurs bienveillants, ils ne deviennent des maîtres sauvages[2] ?

Il faut y prendre garde, dit-il.

Mais le plus sûr moyen de les prémunir contre les tentations, c’est de leur donner réellement une bonne éducation.

Eh bien ! ne l’ont-ils pas reçue ? dit-il.

À quoi je répondis : Il n’y a pas de raison suffisante de l’affirmer, mon cher Glaucon ; ce qu’on peut assurer, c’est, comme je viens de le dire, qu’il faut leur donner la véritable éducation, cquelle qu’elle soit, pour les disposer le mieux

  1. Platon laconise ici encore, en établissant un camp au milieu de la ville. Le gouvernement de Sparte était comparé à un camp (Isocr. 6, 81).
  2. Aristote pense que la constitution de Platon aurait en effet divisé la cité en deux camps hostiles (Arist. Pol. B 5 1264a 24).