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INTRODUCTION

et de le faire chercher la consonance et l’harmonie en des relations de plus en plus éloignées du monde sensible. Mais l’harmonie qu’elles découvrent ainsi progressivement n’est elle-même qu’un prélude (531 d).


La dialectique.

Si étrange, en effet, que puisse paraître un tel jugement, Platon n’hésite plus à le prononcer : les disciplines mathématiques elles-mêmes ne sont pas encore des sciences, ne sont pas la Science. Elles se donnent pour objet son objet, l’être, mais ne l’atteignent encore qu’en rêve, parce que leur méthode est encore imparfaite et leur rigueur seulement approchée. Savoir quelque chose, c’est s’en rendre entièrement compte : le font-elles ? Non ; car, nous l’avons vu, elles déduisent avec suite et avec rigueur, mais en partant d’hypothèses qu’elles n’ont pas démontrées, et en s’appuyant tout le temps sur des figures visibles, et elles concluent sans remonter à leurs hypothèses pour les « lever » et certifier ainsi toute leur démarche. Point de départ, stades de passage, terme final, si rien de cela n’est assuré, comment leur liaison même la plus logique aurait-elle valeur de science ? Or, Platon veut fonder l’action de ses gouvernants sur une science véritable, sur la science totale de la fin à poursuivre. Monter par le raisonnement pur, dépouillé de toute trace de sensation, jusqu’aux réalités intelligibles, et, progressant de l’une à l’autre, ne pas s’arrêter avant d’avoir saisi la réalité qui fonde toutes les autres, le Bien, c’est là vraiment procéder par étapes sûres, ne partir d’une assertion que pour la fonder en une assertion ou hypothèse plus haute, et, enlevant ainsi à ces positions successives ce qu’elles ont chacune d’arbitraire et d’hypothétique, parvenir enfin à la formule qui justifie toutes les autres parce que, seule, elle se justifie elle-même. Alors on pourra, de cette cime intelligible, redescendre en chaque cas par des étapes purement intelligibles jusqu’à la conclusion cherchée. Une seule science fait cela, et c’est la dialectique. Voilà ce que Socrate affirme à Glaucon (533 a/d).

Celui-ci n’a rien du dialecticien de métier. À l’éloge enthousiaste de cette ascension vers le Bien, que l’étude progressive des sciences a pour seul but de préparer, il a répondu par la formule même que justifiera dialectiquement la première partie du Parménide (cf. Parm., 135 a/c) mais qui,