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LETTRE III

nie. Or, selon toi, je t’en aurais à ce moment-là détourné, malgré tes vifs désirs, et maintenant, j’engagerais Dion à réaliser ces mêmes desseins, et en te volant tes propres idées nous chercherions à t’enlever ton pouvoir. eÀ toi de juger si de tels propos tournent à ton profit, mais, en tout cas, tu me fais tort en disant le contraire de la vérité. C’est bien assez déjà que Philistide[1] et nombre d’autres encore m’aient calomnié auprès des mercenaires et du peuple syracusain pour être resté dans l’acropole, et que ceux du dehors, à la moindre faute, en aient détourné sur moi toute la responsabilité, prétendant que tu m’écoutais en tout[2]. Tu sais pourtant pertinemment que, en fait de politique, si j’ai consenti à partager quelque peu tes travaux, 316ce ne fut qu’aux débuts, alors que je croyais pouvoir rendre quelques services, et, sauf des affaires de peu d’importance, je ne m’occupai un peu sérieusement que des préambules des lois, à l’exclusion des additions dont toi ou quelque autre avez été les auteurs. J’entends dire, en effet, que dans la suite, quelques-uns d’entre vous ont arrangé ces préambules, mais les différentes rédactions sauteront aux yeux de quiconque est en état de juger de ma manière. Ainsi donc, je le répète, je n’ai pas besoin d’être calomnié une fois de plus auprès des Syracusains et de tous ceux que tes paroles pourraient persuader, mais bien plutôt bd’être défendu soit contre l’accusation précédente, soit contre celle qui vient à présent de s’y ajouter et qui grandit, beaucoup plus importante et plus grave. Contre un double grief, je dois donc entreprendre une double apologie : la première, pour montrer que j’ai eu raison de te refuser toute participation au gouvernement de la cité ; la seconde, pour prouver que de moi ne sont pas venues ces suggestions ou ces obstacles dont tu parles contre ton projet de relever les villes grecques que j’aurais empêché. Écoute-moi d’abord csur le premier point.

  1. D’après Meyer (Geschichte des Altertums V, 502) ce Philistide ne serait autre que Philistos, l’historien et l’homme politique qui, après avoir aidé Denys l’Ancien à conquérir la tyrannie, fut exilé, puis rappelé. Il semble avoir été le mauvais génie de Denys le jeune. Les Siciliens souhaitaient vivement que Platon ruinât son influence. — Voir Diodore XIII, 91, 4 ; XV, 7, 3 ; XVI, 11, 3. — Plutarque, Dion, c. 19.
  2. Denys gardait encore Platon dans l’acropole quand se produisit