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LETTRE VII

d’appeler droit ce que nous appelons circulaire ou circulaire ce que nous appelons droit ? La valeur significative n’en sera pas moins fixe quand on aura fait cette transformation et modifié le nom[1]. Nous en dirons autant de la définition, puisqu’elle est composée de noms et de verbes : elle n’a rien d’assez solidement ferme. On a mille raisons pour prouver l’obscurité de ces quatre éléments. La principale est celle que nous donnions un peu plus haut : des deux principes l’essence et la qualité, ce n’est pas la qualité, mais l’essence que cherche c à connaître l’âme. Or, c’est ce qu’elle ne cherche pas que chacun des quatre modes lui présente dans les raisonnements ou dans les faits, l’expression et la manifestation qu’ils nous donnent étant toujours facilement réfutées par les sens, ce qui, pour ainsi dire, met tout homme dans une impasse et le remplit d’incertitude. Aussi, là où nous manquons d’entraînement dans la recherche du vrai, à cause de notre mauvaise éducation, et où la première image venue nous suffit, nous pouvons interroger et répondre sans prêter à rire les uns aux autres, d du moment que nous sommes en état d’avancer à tort et à travers ou de réfuter ces quatre modes d’expression. Mais là où il faut répondre par le cinquième élément et le produire, le premier venu de ceux qui savent réfuter a le dessus et fait que celui qui explique, soit qu’il parle, ou écrive, ou réponde, donne l’impression à la plupart de ses auditeurs de ne rien savoir de ce qu’il s’efforce d’écrire ou de dire : on ignore parfois, en effet, que ce qui est réfuté, c’est moins l’âme de l’écrivain ou de l’orateur que la nature de chacun des quatre degrés de connaissance, essentiellement défectueux. Mais à force de e les manier tous, montant et descendant de l’un à l’autre, on arrive péniblement à créer la science, quand l’objet et l’esprit sont tous deux de bonne qualité[2]. Si les dispositions naturelles, au contraire, ne sont pas bonnes, — et, pour la plupart, tel est bien l’état

  1. Cf. Cratyle, 384 d e.
  2. C’est grâce à ce travail de comparaison entre ces modes humains qui seuls nous permettent d’exprimer quelque chose de la vérité, grâce à ce « frottement » entre elles des images, des notions, des définitions, que l’on parvient à l’intuition de l’esprit (344 b). « Car on n’obtient pas de la réalité une intuition, c’est-à-dire une sympathie intellectuelle avec ce qu’elle a de plus intérieur, si l’on n’a pas gagné sa confiance par une longue camaraderie avec ses manifesta-