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LETTRE VII


Conclusion du voyage.
Dernier échec.

Peu après ces événements, lui qui jusqu’alors avait laissé à Dion la disposition de ses biens et l’usage de ses revenus, s’avisa d’interdire à ses curateurs de les envoyer dans le Péloponèse, comme s’il avait complètement oublié sa lettre : ces biens, prétendait-il, ne reviennent pas à Dion, mais au fils de Dion, qui est son neveu à lui et dont, d par conséquent, il est légalement tuteur[1]. Voilà donc tout ce qui s’était passé jusqu’à cette époque. Dans ces conditions, je voyais exactement à quoi tendait la philosophie du tyran, et il y avait bien sujet de m’indigner, même malgré moi. On était alors en été et les vaisseaux prenaient la mer. Ce n’est pas seulement contre Denys, mais tout aussi bien contre moi-même, pensais-je, que j’avais lieu de me fâcher et contre ceux qui m’avaient fait violence pour m’obliger à franchir une troisième fois le détroit de Scylla

ePour affronter encor la funeste Charybde[2].

Je me décidai à dire à Denys qu’il m’était impossible de prolonger mon séjour quand on faisait à Dion de telles vexations. Mais lui s’efforçait de me calmer et me priait de rester, ne jugeant pas bon pour sa personne que je puisse si vite partir avec de tels faits à divulguer. Comme il ne pouvait me persuader, il me déclara vouloir lui-même 346 préparer mon voyage. Car moi, je songeais à monter sur le premier navire en partance, profondément irrité, et bien décidé à tout braver si on me créait des obstacles, puisque, manifestement, je n’étais nullement l’offenseur, mais tout au contraire, l’offensé. Et lui, voyant que je n’acceptais absolument pas l’idée de demeurer, imagina le moyen suivant pour me retenir durant cette période de navigation. Le lendemain de cet entretien, il vint et me tint cet habile

  1. Denys qui, jusqu’ici, n’avait pas songé aux biens de Dion, rêve à présent de les confisquer. C’est pourquoi, sans doute, il considère l’exilé comme mort civilement et par conséquent, à titre du plus proche parent, il se déclare, de par la loi, l’administrateur d’une fortune qui revient au fils de Dion. Sa tactique sera bientôt différente, car, pour apaiser Platon, il consentira à regarder l’exil de Dion comme un simple changement de séjour.
  2. Odyssée, XII, 428.