Page:Platon - Théétète. Parménide, trad. Chambry.djvu/153

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SOCRATE

Veux-tu que nous disions que peu nous importent les noms et dans quel sens on s’amuse à tirailler les expressions « savoir » et « apprendre », mais qu’ayant établi qu’autre chose est posséder une science, et autre chose l’avoir, nous affirmons qu’il est impossible de ne point posséder ce qu’on possède, en sorte qu’il n’arrive jamais qu’on ne sache point ce qu’on sait, mais que pourtant il est possible d’avoir une opinion fausse à son sujet, parce qu’on peut n’avoir pas la science d’un objet, mais celle d’un autre en sa place, lorsque donnant la chasse à quelque science parmi celles qui traversent l’air en volant, on se trompe et qu’on prend l’une au lieu de l’autre. C’est ainsi que nous avons dit qu’on prenait onze pour douze, parce qu’on prenait la connaissance du onze au lieu de celle du douze, qu’on avait en soi, comme si on prenait un ramier pour une colombe.

THÉÉTÈTE

Voilà qui est raisonnable.

SOCRATE

Quand, au contraire, on a pris celle qu’on avait dessein de prendre, alors on ne se trompe pas et l’on juge ce qui est, et de cette façon il peut y avoir une opinion vraie et une opinion fausse, et nous ne sommes plus arrêtés par les difficultés qui nous chagrinaient précédemment. Peut-être seras-tu de mon avis à présent. Sinon quel parti prendras-tu ?

THÉÉTÈTE

Aucun autre.

SOCRATE

Nous sommes en effet débarrassés de la contradiction de ne pas savoir ce que nous savons, puisqu’il ne nous arrive plus en aucun cas de ne pas posséder ce que nous possédons, soit que nous nous méprenions ou ne nous méprenions pas sur quelque objet. Mais je crois bien entrevoir un autre inconvénient plus fâcheux.

THÉÉTÈTE

Lequel ?

SOCRATE

C’est que la confusion des sciences puisse devenir une opinion fausse.

THÉÉTÈTE

Comment cela ?