va nous dire avec un rire moqueur : « Est-il possible, excellentes gens, qu’un homme qui connaît à la fois la science et l’ignorance, se figure que celle qu’il sait est une autre qu’il sait aussi, ou que, ne connaissant ni l’une ni l’autre, il juge que celle qu’il ne sait point est une autre qu’il ne sait pas non plus, ou que, connaissant l’une et non l’autre, il prenne celle qu’il sait pour celle qu’il ne sait pas, ou celle qu’il ne sait pas pour celle qu’il sait ? Ou bien me direz-vous encore que ces sciences et ces ignorances sont à leur tour objets de nouvelles sciences que leur possesseur a enfermées dans je ne sais quels autres ridicules colombiers ou cires imaginaires et qu’il connaît, aussi longtemps qu’il en est possesseur, quoiqu’il ne les ait point présentes à la pensée ? Et vous laisserez-vous ainsi contraindre à revenir mille fois au même point sans avancer d’un pas ? » Que répondrons-nous à cela, Théétète ?
Ma foi, Socrate, je ne vois pas pour ma part ce qu’il faut répondre.
N’est-ce pas à juste titre, mon enfant, que l’argument nous semonce et nous montre que nous avons tort de chercher l’opinion fausse avant la science, que nous avons laissée de côté ? Car il est impossible de connaître la première avant d’avoir une connaissance exacte de la nature de la science.
En ce cas, Socrate, il est impossible de rejeter cette conclusion.
XXXVIII. — Mais alors, comment pourrait-on, en reprenant la question au commencement, définir à nouveau la science ? Car nous n’abandonnons pas la partie, je présume.
Pas du tout, à moins que tu ne l’abandonnes toi-même.
Dis-moi donc quelle est la meilleure définition que nous pourrions en donner pour ne pas nous mettre en contradiction avec nous-mêmes.
C’est précisément celle que nous avons déjà essayée, Socrate ; pour ma part, je n’en vois pas d’autre.